Avec Louis XIV et son ministre Colbert la marine connaît dans la seconde moitié du XVIIe siècle un développement considérable. Les nombreux engagements militaires demandent un effort accru aux ports et aux arsenaux. Le service de santé est aussi très sollicité et les hôpitaux maritimes correspondent à une évidente nécessité compte tenu des accidents, blessures, maladies et épidémies affectant tant le personnel embarqué que celui travaillant à terre. Déjà à Rochefort, dès la fondation du port en 1666, un hôpital avait été créé au prieuré Saint-Eloi à Tonnay-Charente tandis que fonctionnait à Saint-Mandrier l’infirmerie royale de Saint-Louis. C’est alors que l’ordonnance du 23 septembre 1673 prescrivit la création de deux hôpitaux, l’un à Rochefort pour le Ponant, l’autre à Toulon pour le Levant. Ainsi était officialisée l’institution hospitalière. Il faudra néanmoins attendre mai 1683 pour que l’hôpital de Rochefort, dit hôpital « Charente », contigu au Magasin aux Vivres, prenne le relais du précédent établissement tandis que la première pierre de celui de Brest était posée en février 1684. Les hôpitaux des autres ports seront créés un peu plus tard.
La grande ordonnance du 13 avril 1689, véritable premier code de la marine militaire, traite dans son livre XX des hôpitaux des armées navales et des ports. Outre les règles administratives on y trouve clairement définies les fonctions respectives du médecin-major, du chirurgien-major et de l’apothicaire. Pour la formation des jeunes chirurgiens, une école de chirurgie attachée à l’hôpital sera fondée à Rochefort en 1722, précédant celles de Toulon en 1725 et de Brest en 1731.
ÉVOLUTION DES HÔPITAUX MARITIMES
Ces hôpitaux maritimes connaîtront une grande activité tout au long du XVIIIe siècle au gré des guerres de succession d’Autriche (1744-1748), de Sept Ans (1756-1763) et d’Amérique (1778-1783) mais aussi des épidémies de typhus et de scorbut importées par les escadres du chevalier de Piosin en 1745, du duc d’Anville en 1746, de l’amiral Dubois de Lamotte en 1757 ou de l’amiral d’Orvilliers en 1779, sans parler des épidémies locales comme celles liées aux fièvres intermittentes (paludisme) à Rochefort de 1778 à 1782.
L’enseignement dispensé au XVIII° siècle
La réputation de ces hôpitaux tenait pour beaucoup à leurs écoles de chirurgie qui dispensaient un enseignement complet, théorique, mais aussi pratique avec une grande expérience des dissections anatomiques. Plusieurs règlements fixèrent le fonctionnement de ces écoles en 1737, 1740 et surtout en 1768. L’avancement des élèves d’une classe à l’autre était soumis à concours et pour parvenir au grade d’entretenu il fallait s’acquitter de la redoutable épreuve du double chef-d’œuvre d’anatomie et de chirurgie. L’enseignement dépendait du médecin-major pour les matières médicales et la botanique, du chirurgien-major pour la médecine opératoire et la chirurgie tandis que le démonstrateur supervisait les travaux de dissection. En 1756 chaque port comptait, outre le médecin-major, un chirurgien-major assisté d’un aide-major et 24 chirurgiens entretenus, non compris les élèves. Les bagnes des principaux ports apporteront aux hôpitaux de nombreux sujets de dissection mais aussi parfois du personnel infirmier. L’hygiène navale devient alors une réelle préoccupation et fera l’objet de règlements spécifiques en 1765, 1780 et 1786. Les hôpitaux maritimes étaient également dotés de jardins botaniques, pour la fourniture de plantes médicinales, mais aussi pour l’enseignement des élèves.
L’évolution au XIX°siècle : La médecine navale et coloniale
Après la fâcheuse période révolutionnaire, les contradictions du Directoire et la grisaille impériale, la situation du service de santé se normalise progressivement sous la Restauration malgré le licenciement des auxiliaires et une épuration des cadres bonapartistes. Le service de santé de la marine englobe celui des colonies à partir de 1823. C’est ainsi qu ’en 1835 il y avait dans le corps 389 officiers de santé dont 80 étaient affectés aux colonies. L’ordonnance de 1835, les décrets de 1854 et de 1865 adopteront des dispositions relatives à l’indépendance du corps de santé, à l’assimilation de ses membres aux officiers de marine, à leurs grades et avancement. Les progrès de la médecine réalisés dans la deuxième moitié du XIXe siècle sont aussitôt pris en compte dans les hôpitaux maritimes. La découverte des principaux agents pathogènes, la pratique de l’asepsie et de l’anesthésie créeront une véritable révolution dans le traitement des affections médicales et surtout chirurgicales. On soulignera à ce propos que dès 1817 la vaccination jennérienne avait été adoptée dans la marine et que le sulfate de quinine était utilisé depuis 1835 dans le traitement des fièvres intermittentes.
L’année 1890
L’année 1890 verra la création d’un Corps de santé colonial indépendant de celui de la marine et aussi celle d’une Ecole principale du service de santé de la marine à Bordeaux reléguant de fait les écoles de médecine navale des ports de Rochefort, Brest et Toulon au rang d’écoles annexes avec mission de préparer au concours d’entrée à l’école principale. Une école d’application du service de santé de la marine sera ouverte à l’hôpital maritime de Toulon en 1896.
L’évolution actuelle
Plus tard la réorganisation des études médicales et la fusion des différents services de santé en un Service de santé des Armées entraîneront la suppression des écoles annexes des ports dont les cours seront suspendus à compter du 1er octobre 1963. L’hôpital maritime de Rochefort lui survivra vingt ans avant d’être fermé à son tour en 1983. Celui de Lorient fermera en 1999 et celui de Cherbourg en 2002. Seuls demeurent actuellement en activité les Hôpitaux Militaires d’Instruction de Brest et de Toulon dans le cadre du Service de santé des Armées dorénavant unifié.
L’HÔPITAL MARITIME DE ROCHEFORT
L’hôpital « Charente » ouvert en 1683, composé d’un corps de logis et de deux petits pavillons, pouvait dix ans plus tard accueillir 400 malades répartis en quatre salles. Jean Cochon-Dupuy (1674-1757), premier médecin du port depuis 1712, projette bientôt de créer un établissement propre à instruire les jeunes chirurgiens « pour qu’ils puissent s’instruire non seulement sur l’anatomie et les opérations de chirurgie mais encore connaître les maladies internes et la composition des remèdes ». L’Ecole de chirurgie du port de Rochefort, finalement créée en 1722 au sein de l’hôpital "Charente", constitua une première du type dans le royaume. Le jardin botanique créé en 1741 près de la Charente sera agrandi en 1827.
Gaspard Cochon-Dupuy (1710-1788) succède en 1757 à son père comme premier médecin et directeur de l’Ecole de l’école de chirurgie. Lorsqu’il disparaît à son tour en janvier 1788, il est remplacé par son cousin Pierre Cochon-Duvivier (1731-1813) qui oeuvra beaucoup pour l’hygiène. La même année, le 9 juin 1788, est solennellement inauguré le nouvel hôpital conçu par l’ingénieur Toufaire, entraînant dans son sillage l’Ecole de chirurgie. Cet édifice monumental prévu pour recevoir 1 200 malades, édifié sur un terrain de près de 7 hectares, comprend un corps du bâtiment central en forme de H dont la partie transversale est à peu près aussi longue que les parties longitudinales à usage d’hospitalisation. En avant de cet ensemble, deux petits pavillons isolés abritent, l’un la Direction avec la salle des Actes, la salle du Conseil de santé, la bibliothèque (la plus importante de province) et le musée, l’autre la chefferie de l’hôpital.
L’Ecole de médecine navale de Rochefort connaît son "âge d’or" au XIXe siècle grâce à d’éminentes personnalités comme le chirurgien Jean-Baptiste Clémot, les naturalistes Jean-René Quoy et René-Primevère Lesson, le médecin Amédée Lefèvre qui éradiqua le saturnisme dans la marine, Charles Maher rédacteur d’impressionnantes statistiques médicales ou encore Louis Tribondeau auteur avec Bergonié de travaux majeurs sur les radiations. D’autre part les grandes expéditions maritimes et les campagnes coloniales mirent en lumière de nombreux médecins et pharmaciens du fait de leurs découvertes dans le domaine des sciences naturelles ou de la pathologie tropicale.
En 1890 l’école de médecine navale de Rochefort, devenue école annexe par la création de l’Ecole de Bordeaux, se consacre à sa nouvelle vocation de préparer les étudiants au concours d’entrée à l’Ecole principale. Les cours théoriques, les stages hospitaliers et les travaux pratiques demeurent le triptyque classique garant d’une formation médicale sérieuse et complète. En 1910 la capacité d’accueil de l’hôpital maritime est de 350 malades avec un effectif journalier d’environ 220 hospitalisés. Leur nombre annuel varie entre 3 000 et 4 000. Celui des décès ne dépasse pas 40, le tiers étant dû à la tuberculose. Le paludisme a alors pratiquement complètement disparu de la région. Enfin un forage réalisé dans l’enceinte de l’hôpital révéla en 1865 une source thermale constituée d’une eau minéralisée chloro-sulfatée ferrugineuse qui aura de nombreuses applications thérapeutiques. Cet hôpital porte le nom d’Amédée Lefèvre (1798-1869), responsable de l’extinction du saturnisme dans la marine et auteur de la remarquable histoire de service de santé de la marine militaire parue en 1867.
Après la fermeture de l’Ecole annexe en 1963 et celle de l’hôpital de la marine en 1983, la ville de Rochefort tourne une page importante de son histoire. Fort heureusement, la mémoire de ce prestigieux passé a pu être sauvegardée par la création du Musée de l’Ancienne Ecole de médecine navale, géré par le Musée national de la marine depuis 1986. Sa remarquable bibliothèque forte de 25 000 volumes rappelle le brillant enseignement autrefois ici dispensé tandis que le cabinet de curiosités médicales propose une panoplie d’instruments de médecine, de pièces et de préparations anatomiques, le cabinet d’histoire naturelle exposant de son côté de nombreux objets rapportés des expéditions du XIXe siècle.
LES HÔPITAUX DE LA MARINE À TOULON
L’infirmerie royale de Saint-Louis édifiée sur des terrains achetés au prieuré de la presqu’île de Saint-Mandrier, opérationnelle à partir de 1674 et agrandie en 1701, devint bientôt un véritable hôpital qui fonctionna, au début de façon intermittente en fonction des épidémies (peste et typhus) et des guerres extérieures, puis de façon permanente à partir de 1783. Le prieuré lui-même, déclaré Bien national, est acquis en 1790 pour compléter l’établissement.
Fondé sur place en 1818, le nouvel hôpital est constitué de trois corps de bâtiments disposés en U ouvert vers le nord, élevés sur trois niveaux. Il servit à traiter les victimes des épidémies de typhus et de choléra ainsi que les malades et blessés de la campagne d’Algérie et de la guerre de Crimée. L’hôpital de Saint-Mandrier rendra encore d’éminents services en accueillant les blessés de la guerre 1870 et de la guerre 1914-1918. Il bénéficia du transfert en 1849 du jardin botanique de la marine qui était initialement implanté à Toulon. Toutefois sa position excentrée posait d’innombrables problèmes et c’est ainsi qu’il cessa son activité le 20 juin 1935 au profit de l’hôpital Sainte-Anne.
Les travaux de l’hôpital maritime Sainte-Anne débutèrent en 1906 après l’adjudication publique d’un terrain situé sur les pentes du mont Faron, immédiatement au-dessus des fortifications de la ville. De conception pavillonnaire, il est d’abord composé de neuf grands bâtiments à toiture terrasse avec de grandes fenêtres et de très hauts plafonds, érigés sur la partie moyenne du site. Les travaux s’achèvent en 1909 et les premiers malades arrivent en 1910. Il reçoit peu après des blessés de la première Guerre mondiale (qui implique une augmentation de la capacité à 1 000 lits) puis s’étend de 1832 à 1834 dans la zone sud avec la construction de trois nouveaux bâtiments dont le plus important, le pavillon Béranger-Féraud, en forme de croix de Lorraine, s’élève sur 5 étages. L’hôpital ainsi agrandi dispose d’un équipement médical remarquable pour l’époque et d’un personnel de premier ordre. En 1938 on compte 12 500 patients et la moyenne quotidienne d’occupation est de 686 malades. Des aménagements sont effectués durant la seconde guerre mondiale et une maternité est ouverte en 1941 dans le pavillon Penard-Abelin (fermée en 1999). L’hôpital sera partiellement occupé par les services de santé allemands et italiens après l’invasion de la zone sud mais redeviendra totalement fonctionnel à la fin du conflit avec une capacité de 850 lits et un personnel de 600 personnes dont 37 médecins, 4 pharmaciens et 3 sages-femmes. Devenu Hôpital d’Instruction des Armées en 1967, de nombreuses innovations sont entreprises dans le domaine de la réanimation et des soins intensifs, en cardiologie, en chirurgie orthopédique, en médecine nucléaire, en radiologie ou en neuro-chirurgie. Sa vocation d’enseignement initiée avec l’école de chirurgie puis avec l’école annexe de médecine navale et l’école d’application des médecins de marine est toujours d’actualité avec la formation des internes des armées, des assistants et la préparation aux concours de spécialité. Le nouvel hôpital Sainte-Anne, construit de l’autre côté du boulevard sur le site de la caserne Grignan selon le projet Sainte-Anne 2 000, cette fois de conception monobloc, regroupe les différents services et organismes du service de santé des armées ainsi que l’école du personnel paramédical des armées. On ajoutera que l’hôpital de l’Oratoire qui hébergeait un service de phtisiologie est devenu maison de convalescence en 1973 puis département de médecine physique, de réadaptation et de soins en 2000.
L’HÔPITAL MARITIME DE BREST
De 1631 à 1684 le soutien hospitalier de la marine fait appel aux ressources locales existantes comme l’hôpital Saint-Yves et le Vieil hôpital ou à des structures occasionnelles. La nécessité de disposer d’un hôpital permanent s’imposant, les travaux de l’hôpital royal de la marine débutent en mars 1684. Sensé pouvoir accueillir 2 000 malades, le corps de bâtiments s’élevait sur le haut de la rive gauche de la Penfeld, disposé en U sur trois niveaux avec une aile de chaque côté. Il sera complété en 1690 par la construction de salles supplémentaires pour convalescents et scorbutiques. A l’avant on avait planté en terrasses un jardin de simples (1694) mais ce jardin botanique sera transféré en 1768 sur un site voisin plus grand où il connaîtra un développement considérable sous le règne des jardiniers Laurent, père et fils. L’école de chirurgie de Brest, créée par ordonnance en 1731, contribue à la renommée de l’hôpital et ses élèves auront de nombreux sujets à leur disposition pour les dissections lors du transfert du bagne de Marseille en 1749. Après le vide créé par la guerre de Sept Ans, l’école retrouve un nouvel élan à partir de 1768 sous l’impulsion du premier médecin Chardon de Courcelles (1705-1775). Elle prend le nom de Collège royal de chirurgie de la marine en 1775 avant de devenir Ecole de santé navale en 1798. En novembre 1776 un terrible incendie ravage l’hôpital et les immenses dégâts subis imposent d’utiliser des dispositions de fortune. Seules subsistent quelques « mauvaises salles » reconstruites à la hâte mais celles-ci ne permettent guère d’accueillir plus de 800 lits en 1794. Il faudra avoir alors recours à des hôpitaux provisoires extra-muros.
Le nouvel hôpital de la marine, reconstruit sur le site de « l’hôpital brûlé », voit sa première pierre posée en 1822 par le duc de Clermont-Tonnerre, ministre de la marine, mais il ne sera totalement mis en service qu’en 1834. Cette infrastructure de 1 200 lits, répartis en 28 salles, fonctionnera ainsi jusqu’à la première Guerre Mondiale, sans grandes modifications, malgré le surcroît d’activité lié à la guerre de 1870. Le service est assuré par les sœurs de La Sagesse jusqu’à leur expulsion en 1903 à la suite des lois anticléricales tandis que le corps des infirmiers de la marine créé par le décret du 19 mars 1853 permettra de remplacer avantageusement la prestation des forçats après la fermeture du bagne en 1856. Au lendemain de la mobilisation de la guerre 1914-1918, Brest dispose de 4 350 lits qui seront portés à 6 000 en 1917. L’hôpital maritime lui-même offre 1 780 lits au plus fort de la demande d’hospitalisation en 1917, les autres étant apportés par 2 hôpitaux temporaires de la marine et 20 hôpitaux complémentaires de l’armée de terre et des sociétés d’assistance. En mai 1940 la capacité de l’hôpital est de 1 385 lits, avant son occupation par les Allemands au mois de juin. Totalement détruit en 1944, l’hôpital de la marine de Brest est reconstruit à partir de 1952 et retrouve en 1968 son nom initial de Clermont-Tonnerre avant de prendre l’appellation actuelle d’Hôpital d’Instruction des Armées Clermont-Tonnerre. De nombreuses améliorations et modernisations réalisées depuis cette époque lui ont conféré un haut niveau de technicité, au service de la population maritime et civile du port. Sont attachés à l’hôpital maritime de Brest, outre le premier médecin Chardon de Courcelles, des noms prestigieux comme ceux de Keraudren, de Marcellin Duval, d’Albert Calmette ou encore de Victor Segalen.
L’HÔPITAL MARITIME DE LORIENT
Le premier hôpital maritime de la région est installé à Port-Louis vers 1689 mais cet hôpital Saint-Louis, d’une capacité d’environ 180 lits en 1705, sera fermé en 1720. Il est remplacé à la Révolution, toujours à Port-Louis, par un nouvel hôpital aménagé dans l’ancien enclos des Récollets, lui aussi éphémère puisque abandonné en 1805. Il est alors décidé que les malades seront traités à l’hôpital-hospice de Lorient au terme d’un contrat au demeurant reconduit jusqu’en 1865 mais, pour désengorger ce dernier, on crée en 1859 dans les locaux de l’ancien hôpital maritime de Port-Louis une « ambulance » (270 lits en 1905) qui restera en service jusqu’en 1936. A Lorient même, une autre « ambulance » est installée en 1864 dans l’enceinte de l’arsenal, bientôt complétée par un pavillon de blessés, un laboratoire et une salle d’opérations. Mais la guerre de 1870 et celle de 1914-1918 soulignent l’insuffisance de la capacité d’accueil et en 1829 on envisage de construire un véritable hôpital sur un terrain situé à proximité du cours de Chazelles. Cet hôpital, commencé en 1933 et terminé en 1936, est le jumeau de son homologue civil, l’hôpital Bodélio. Il s’agit d’un établissement monobloc édifié sur 4 niveaux au milieu d’un parc avec un corps de bâtiment principal et des ailes branchées de part et d’autre. Occupé par les autorités allemandes en 1940, partiellement détruit par les bombardements en 1943, il sera rétabli en 1945. Devenu Hôpital des Armées en 1969, l’ancien hôpital maritime de Lorient prend en 1986 l’appellation de Centre hospitalier régional des Armées Albert-Calmette, du nom qu’il portait déjà depuis 1983 en souvenir du célèbre bactériologiste. Cet établissement de 235 lits bénéficie alors de constantes modernisations concernant entre autres le bloc opératoire et le service des urgences. Pourtant, dans le cadre des grandes réformes du service de santé, cet établissement sera fermé le 23 juillet 1999. Les infrastructures reviendront à la ville pour être affectées au centre hospitalier de Bretagne sud Bodélio.
L’HÔPITAL MARITIME DE CHERBOURG
Un premier hôpital, l’hôpital de l’Abbaye, est installé en 1793 en lisière d’Equeurdreville, doté d’une capacité de 500 malades. Puis une caserne d’artillerie de marine sera transformée en 1856 en un hôpital de 200 lits appelé la « Succursale » qui fonctionnera durant 13 ans. En février 1859 est signé un décret ordonnant la construction d’un nouvel hôpital, rue de l’Abbaye, sur un terrain de 10 hectares. Celle-ci est aussitôt entreprise mais la réception définitive ne sera effective qu’en 1871. Une salle d’isolement pour contagieux, un laboratoire de bactériologie et un service de radiologie sont installés en 1900, un bloc opératoire moderne est aménagé en 1911. Durant la guerre 1914-1918, l’hôpital accueille 49 000 malades ou blessés. Le pavillon administratif est un magnifique bâtiment de plus de 200 mètres de long, au fronton triangulaire marqué aux armes impériales, qui s’élève sur 3 étages. Précédé de belles pelouses plantées d’araucarias, ce bâtiment est relié en arrière à l’hôpital proprement dit par des passerelles couvertes surplombant « la rue basse » occupée par des ateliers, la cuisine et des entrepôts. Les bâtiments de l’hôpital, établis sur le terre-plein sud, forment une structure rectangulaire entourant une cour centrale aménagée en jardin. Le long du premier étage court une terrasse sur laquelle ouvrent les salles du deuxième étage, surmonté lui-même par un troisième étage.
En 1964 un nouveau bloc opératoire est aménagé puis, après la fusion des services de santé des armées, des modernisations sont entreprises avec la construction à partir de 1975 de services de consultation de chirurgie, d’ophtalmologie, d’ORL et de stomatologie. Devenu Centre hospitalier des armées en 1980, il prend le nom de René Le Bas deux ans plus tard mais, par décision ministérielle, sera fermé le 30 juin 2002 dans le cadre des restructurations du service de santé des armées. Ainsi se trouvait soldée une histoire de cent trente-trois ans. L’ancien hôpital deviendra ensuite un centre de formation dépendant de l’Ecole internationale de création audiovisuelle. Parmi les médecins qui s’illustrèrent dans cet établissement on peut citer, outre Louis Obet (1777-1856), Jean-Baptiste Bérenger-Féraud (1832-1900) et Bernard Cunéo (1834-1901) tous deux futurs inspecteurs généraux du Service de santé de la marine.
LES HÔPITAUX ET INFIRMERIES-HÔPITAL DE LA MARINE OUTREMER
Hors hexagone, une place particulière revient à l’hôpital de Sidi-Abdallah à Bizerte, siège de la 4e région maritime. Après l’institution du Protectorat français sur la Tunisie (traité du Bardo de 1881), un arsenal est créé au fond du lac de Bizerte sur le site de Ferryville après le percement en 1891 d’un canal faisant communiquer le goulet avec la mer. La base navale admirablement située et protégée se développe rapidement. La construction de l’hôpital maritime sera confiée en 1899 par le commandant de la Division navale de Tunisie Merleau-Ponty au médecin de 1re classe Georges qui en sera à la fois l’architecte et le concepteur technique. Cet hôpital tournera à plein régime durant la Guerre 1914-1918, servant en particulier de soutien à l’armée d’Orient. En décembre 1942, les Allemands se rendent maîtres de Bizerte. L’hôpital maritime de Sidi-Abdallah, érigé en hôpital principal de la zone militaire, voit alors sa capacité portée à 600 lits. Hôpital essentiellement chirurgical il verra ses compétences ensuite élargies aux autres spécialités dont la maternité et à la pédiatrie après la libération de la région par les Alliés en mai 1943. Il connaîtra encore un regain d’activité lors des évènements de 1961 avant de fermer lors de l’évacuation de la base en 1963.
Avant la constitution du Corps de santé colonial en 1890, le service médical aux colonies était assuré par la marine. Son action s’avérait d’autant plus nécessaire que sévissaient dans les régions tropicales, paludisme, fièvre jaune, typhus, dysenterie ou choléra sans parler de la typhoïde, des maladies infectieuses courantes y compris la tuberculose et même du scorbut. C’était l’époque des stations navales, au nombre de huit à la fin du XIXe siècle, soit celles du Levant, d’Islande, de Terre-neuve, des Antilles, de l’Atlantique sud (station du Brésil et de la Plata mais surtout d’Afrique Occidentale), de l’Indochine, d’Extrême-Orient (mer de Chine, mer Jaune et Japon) et enfin celle du Pacifique (Polynésie et Nouvelle-Calédonie). Les principales implantations se trouvaient, en Afrique, à Saint-Louis du Sénégal et à Gorée centres pourvus d’hôpitaux mais aussi dans l’estuaire de la rivière du Gabon où étaient mouillés deux hôpitaux flottants, la Caravane et la Minerve. Aux Antilles les bases navales avec leurs supports santé étaient situées à Fort de France pour la Martinique et à Pointe-à-Pitre pour la Guadeloupe, en Guyane à Cayenne. C’était le groupe des « vieilles colonies » avec l’île de la Réunion dans l’Océan Indien. A Madagascar, la marine établit une base navale à Diégo Suarez au nord de la Grande Île dès 1885 (colonie en 1896) dotée d’un arsenal et d’une infrastructure médicale jusqu’à sa fermeture en 1973. Un hôpital se trouvait à Pondichéry, comptoir de l’Inde, où s’illustra le médecin en chef Beaujan fondateur de l’école de médecine locale en 1863. En Indochine le service de santé fut très actif durant la conquête, entre autres à Hanoi et à Saigon (avec l’hôpital qui sera baptisé Grall en 1925 et l’hôpital de Choquan). Dans le Pacifique, les ports de Papeete à partir de 1844, de Nouméa dès 1853, avaient chacun leur hôpital de la marine.
Cette pratique de la pathologie tropicale devait conférer au service de santé de la marine une expérience sans pareil qui contribua grandement à sa réputation au sein même du monde médical de l’époque.