En décembre1930, la "Société spéciale de la lèpre" de la Société des Nations se réunit à Bangkok. L’ordre du jour retient l’internationalisation de la lutte contre la lèpre en adoptant des règles communes d’action et en standardisant les conduites thérapeutiques. Un réseau mondial de centres de recherche est en voie de constitution. Quatre villes sont déjà pourvues : Calcuta (Inde), Culion (Philippines), Honolulu (Hawaï) et Rio de Janeiro (Brésil), Tokyo est envisagée.
Marchoux*, appuyé par F.Sorel*, Inspecteur général des services sanitaires coloniaux, parvient à convaincre le gouvernement français, de la nécessité de créer une structure pour prendre en charge les lépreux. En novembre 1931, est créé "l’institut central de la lèpre", qui prend le nom de Marchoux en 1945, après le décès de celui-ci. Il est placé sous la direction de Robineau*.
L’implantation de l’institut à Bamako trouve se justifie par la situation de cette ville au centre de l’A.O.F., sur le Niger et l’axe routier principal et au terminus de la ligne de chemin de fer "Dakar-Niger" mise en service en 1923. Construit entre le 1er octobre 1933 et le 1er novembre 1934 sur un terrain alluvionnaire très fertile de 250 hectares, il sera inauguré en 1935 par le gouverneur Brévié et le médecin général L’Herminier*.
LA TRIPLE VOCATION DE L’INSTITUT
– Centre régional de lutte contre la lèpre,
– Centre de recherche clinique et thérapeutique intégré dans le réseau mondial,
– Centre de formation et de spécialisation des personnels.
- Centre régional de lutte contre la lèpre
L’institut Marchoux dispose d’un dispensaire où sont traités, de nombreux lépreux résidant dans la région de Bamako (en 1980, ils étaient encore 1 700 inscrits).
Il a la charge d’organiser, et de coordonner les actions anti-lépreuses dans toute l’Afrique française. Dans la pratique, l’institut ne garde pas longtemps ces attributions qui sont transférées au SGHMP dès 1946, au moment où arrive la chimiothérapie.
Pendant cette décennie (1935-1946), le nombre des lépreux connus s’accroît, traduisant une efficacité croissante du dépistage. Mais le traitement par l’huile de chaulmoogra est difficile à suivre, peu efficace et peu d’attractif pour ceux qui se savent lépreux et veulent éviter les villages d’isolement.
Ce n’est qu’après l’utilisation large des sulfones, au début des années 1950, que les dépistages deviennent réellement efficaces et que l’endémie régresse. Cette régression devient spectaculaire avec l’apparition de la polychimiothérapie, vers 1980. De 200 pour 10 000, le pourcentage des lépreux tombe, en quarante ans, à 5 pour 10 000. Entre temps 800 000 malades ont été dépistés et traités par le service de santé colonial et les structures qui lui ont succédé.
- Centre de recherches cliniques et thérapeutiques
Seuls sont admis dans la "cité hospitalière" pavillonnaire 140 patients dont l’état justifie une hospitalisation. Des religieuses-infirmières encadrent le personnel paramédical. L’originalité de l’institut réside aussi dans le fait que les patients y sont admis avec leurs familles qui résident dans la "cité des malades". On y trouve des points d’eau, des ateliers de couture, de vannerie et des terres à cultiver. Des études épidémiologiques et sociologiques y sont conduites.
L’institut est un centre particulièrement utile pour les essais de nouveaux médicaments et la mise au point des schémas de traitement.
C’est là que Stevenel* identifie la phytostérine (principe actif de l’huile de chaulmoogra) dans l’huile de gorli dont l’activité avait été démontrée, dans les années 1930, par Rivoalen* puis Tisseuil*, ceci permet de traiter les lépreux pendant les conflits mondiaux où l’approvisionnement en chaulmoogra était interrompu.
A l’arrivée des sulfones, c’est à l’institut que sont établis les protocoles de traitement de la lèpre, notamment par Laviron*, Lauret* et Jardin*.
Plus tard, entrent dans la thérapeutique de la lèpre de nouveaux médicaments :
– les sulfamides retard, étudiés par Languillon* à partir de 1958, ont la même efficacité que les sulfones mais peuvent provoquer des accidents d’intolérance.
– la rifampicine, utilisée depuis 1968, extraordinairement efficace, bactéricide, a transformé le pronostic mais son coût justifie une prise contrôlée du médicament.
– la clofazimine, molécule chère et non toxique, est utilisée depuis 1972 comme anti-réactionnelle, la thalomidine, les fluoroquinolones...
La mise au point de ces protocoles doit beaucoup aux travaux des équipes qui se sont succédées à l’institut Marchoux et à leurs directeurs, en particulier : Laviron*, Kerbastars*, Languillon* et Saint André*.
La chirurgie de la lèpre a grandement bénéficié des travaux des chirurgiens du corps de santé colonial à la suite de Carayon* à Dakar et de Bourrel* qui, à la demande de Languillon*, a introduit la chirurgie réparatrice et thérapeutique à l’institut Marchoux.
- Centre de formation et de spécialisation des personnels :
Tous les personnels du corps de santé colonial affectés à la lutte contre les grandes endémies suivent un stage de spécialisation à Bamako. Ce stage est de durée variable selon qu’ils sont médecins, chirurgiens, pharmaciens, infirmiers, prothésistes, kinésithérapeutes, pharmaciens. Des étrangers des différents continents y viennent régulièrement.
LES INSTALLATIONS
A son origine, l’institut central de la lèpre est constitué d’une cité technique et d’une cité hospitalière :
– La cité technique comprend un bâtiment central avec des services administratifs, des laboratoires de bactériologie. Les autres bâtiments comprennent la bibliothèque, une salle de réunion, la pharmacie et ses magasins et des logements.
– La cité hospitalière comprend des pavillons pour l’hospitalisation des malades présentant une rhinite ou des lésions ouvertes et des quartiers de résidence pour les lépreux non contagieux.
– Tout autour de la cité hospitalière, des terrains de culture sont mis à la disposition des malades pour y faire des plantations ou y élever du bétail.
Actuellement, les missions de l’Institut Marchoux se sont étendues à la prise en charge des tuberculeux et des sidéens. Il a pris le nom de CNAM (Centre National d’Appui à la lutte contre la Maladie), mais il est probable que, pendant longtemps encore, on l’appellera "Marchoux".
Pour en savoir plus :
– Nébout Guy-Michel : L’Institut Marchoux ou 50 ans de lutte contre la lèpre en Afrique Noire. Thèse 1984 Université Paris VII.