La mission Jamot* en AOF de 1932 à 1935, dresse un rapport dramatique sur l’endémie sommeilleuse et recommande instamment la création d’un service spécial et autonome contre la maladie. Il n’est pas entendu. Dans les années qui suivent, Sicé* au Soudan, Lefrou* et Richet* en Haute Volta renchérissent sur la nécessité et l’urgence d’une lutte organisée contre la maladie du sommeil.
En 1938, l’inspecteur général Huet* confirme l’étendue du désastre en AOF et Georges Mandel, ministre des Colonies, décide en 1939 la création d’une structure de coordination et de décision ayant en charge la maladie du sommeil. Ainsi est créé le Service général autonome de la maladie du sommeil (SGAMS) en AOF et au Togo qui, en 1945, sera transformé en Service général d’hygiène mobile et de prophylaxie (SGHMP).
Au moment des indépendances, cette structure administrative, appelée Centre Muraz en 1956, devient le siège le l’Organisation de coordination et de coopération pour la lutte contre les grandes endémies (OCCGE).
Depuis sa création, ce Centre assure également la formation d’infirmiers-auxiliaires spécialisés dans la connaissance et le traitement des grandes endémies.
LE SERVICE GÉNÉRAL AUTONOME DE LA MALADIE DU SOMMEIL (SGAMS)
La direction de ce SGAMS est confiée à Gaston Muraz*. Son adjoint est P. Richet*. Ils installent leur "poste de commandement" à Bobo-Dioulasso, au centre de l’Afrique de l’ouest, loin des capitales, et en font le centre décisionnaire, le "cerveau" du Service.
Le talent d’organisateurs et le dynamisme de ces deux grands "patrons" mobilisent les énergies dans les 68 secteurs qu’ils délimitent dans la Fédération. En quelques années et malgré la Seconde Guerre mondiale qui complique les approvisionnements et interdit les relèves, le fléau est endigué dans les colonies de l’AOF.
Pour obtenir un tel résultat, il a fallu bousculer les habitudes, heurter les hiérarchies et, "comme Jamot* en 1935, Muraz fera l’objet, en 1942, d’une bien ingrate mise à la retraite anticipée dont le prétexte fut l’implacable, donc imprudente, combativité que le colosse savoyard apportait à tout ce qui pouvait entraver, voire simplement retarder, l’endiguement du fléau trypanique" (Richet).
Heureusement, ses successeurs sont aussi ses disciples (Le Rouzic*, Jonchère*, Masseguin*, Richet*) et maintiennent l’exigence méthodologique et la rigueur de l’engagement. Le centre de Bobo Dioulasso prendra , en 1956, le nom de Centre Muraz...
LE SERVICE GÉNÉRAL D’HYGIÈNE MOBILE ET DE PROPHYLAXIE (SGHMP)
Dès 1944, lors de la Conférence africaine de Brazzaville, sur proposition de Vaucel*, Inspecteur des instituts Pasteur d’outre-mer, les recommandations suivantes sont adoptées :
– Acheminement progressif du SGAMS de sa monovalence anti-trypanosomienne vers une polyvalence englobant le plus grand nombre possible des autres grandes endémies.
– Transformation du sigle : le SGAMS devenant le SGHMP (Service général d’hygiène mobile et de prophylaxie) par arrêté de janvier 1945.
C’est ainsi que le SGHMP se verra doter, à côté du Centre Muraz :
– en 1945, d’une section lèpre, l’Institut Marchoux, créé en 1931 à Bamako.
– en 1948, d’une section paludisme avec des spécialistes de paludologie et d’entomologie et, en 1955, d’une zone-pilote en pays Lobi, au sud de Bobo Dioulasso pour le "house-spraying", sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé, visant la destruction des moustiques vecteurs.
– en 1949, d’équipes tréponématoses contre la syphilis endémique avec création de secteurs spéciaux en zone sahélienne.
– en 1953, de l’Institut d’ophtalmologie tropicale appliquée ou IOTA créé à Bamako pour entreprendre dans l’AOF le dépistage et le traitement des graves et nombreuses affections oculaires cécitantes, tout particulièrement le trachome.
– en 1955, de la section onchocercose avec un département entomologie-épidémiologie orienté vers l’écologie et l’éthologie des vecteurs, les simulies, où des chercheurs de l’Office de recherche scientifique et technique outre-mer (ORSTOM) se joignent aux médecins et pharmaciens du Corps de santé colonial.
L’ORGANISATION DE COORDINATION ET DE COOPÉRATION POUR LA LUTTE CONTRE LES GRANDES ENDÉMIES (OCCGE et OCEAC)
Mais vient, en 1960, la période des indépendances qui transforment les colonies en États souverains. Le SGHMP, organisme fédéral, est démantelé en huit morceaux, chacun des États nationalisant ses secteurs et les instituts que trois d’entre eux (Haute-Volta, Mali, Sénégal) ont sur leur territoire.
Très vite, aidés par la France, les jeunes gouvernements africains, réalistes et conscients que "les bacilles, les virus, les vecteurs se jouent des limites géographiques tracées par les hommes", décident, en avril 1960, le regroupement des États de l’ex-AOF (sauf la Guinée) dans une structure de coopération sanitaire inter-États, l’Organisation de coordination et de coopération pour la lutte contre les grandes endémies (OCCGE dont le premier secrétaire général est Richet*).
En 1963, l’ex-AEF se dote d’une organisation comparable, l’organisation de coopération pour la lutte contre les grandes endémies en Afrique centrale (OCEAC) dont le "centre nerveux" est à Yaoundé. Le premier secrétaire général est Labusquière*.
Ces organisations sont dirigées par un conseil d’administration composé des ministres de la santé publique des états membres et d’un représentant du ministère de la coopération français, membre de droit compte tenu de l’aide substantielle apportée en personnel, en matériel et en crédits. La présidence est assurée à tour de rôle et pour un an par l’un des ministres africains.
Le centre Muraz reste le lieu où les directives émanant du conseil sont mises en application. Il est dirigé par un spécialiste de médecine tropicale (P. Richet* restera en place de 1960 à 1970).
Pendant cette période, la polyvalence s’amplifie :
– En 1961, rattachement de l’Organisme de recherches sur l’alimentation et la nutrition en Afrique (ORANA), créé à Dakar en 1953.
– En 1968, création d’une section pasteurelloses en Mauritanie où sévit encore de nos jours une peste des rongeurs sauvages transmissible à l’homme.
– En 1969, création à Niamey d’un centre de recherches sur la méningite cérébro-spinale et sur la bilharziose.
Réunion plénière du Conseil d’administration de l’OCCGE
– Le centre Muraz regroupe, à cette période, quatre sections techniques :
Une section Biologie avec cinq laboratoires :
Choléra-Trypanosomiase.
Fièvre jaune.
Méningites.
Tuberculose.
Zoonoses.
Une section Parasitologie avec trois laboratoires :
Onchocercose (épidémiologie).
Paludisme.
Bilharziose.
Une section Entomologie, centre international de référence de l’OMS, avec quatre laboratoires :
Glossines.
Anophèles.
Aedes.
Insecticides.
Une section pharmacie-chimie avec trois laboratoires :
Chimie.
Immunologie (Trypanosomiase et paludisme).
Pharmacie d’approvisionnement.
LE CENTRE MURAZ, CENTRE DE FORMATION
Dès la mise en oeuvre de la lutte organisée contre la maladie du sommeil, la formation théorique et pratique de collaborateurs autochtones constitue un objectif essentiel.
Jamot*, comme il l’avait fait à Ayos, crée en 1932 une École d’infirmiers à Ouagadougou. Cette école est transférée ultérieurement à Bobo Dioulasso, au centre Muraz. Elle forme plusieurs centaines d’infirmiers du Service des grandes endémies.
A partir de 1970, les États membres de l’OCCGE tiennent à former eux-mêmes leurs infirmiers nationaux dans leurs propres écoles.
Quant aux autres instituts spécialisés de l’OCCGE, ils organisent des stages de perfectionnement aussi bien pour le personnel infirmier que pour les personnels non infirmiers : médecins, étudiants en médecine, coopérants, volontaires du service national et stagiaires étrangers.