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LA LÈPRE
Article mis en ligne le 12 janvier 2024
dernière modification le 16 février 2024

La lèpre, maladie aussi vieille que l’humanité, est une affection mutilante d’évolution lente due au bacille lépreux ou bacille de Hansen. La maladie est strictement humaine. Les aspects cliniques se traduisent par des lésions de la peau et des muqueuses et par des atteintes nerveuses à l’origine de paralysies, de pertes de la sensibilité et de mutilations des extrémités.

Le Corps de santé colonial est confronté à cette maladie dans toutes les colonies, mais c’est surtout en Afrique noire, lieu majeur d’endémie, qu’il a obtenu ses plus beaux succès. Un nom domine les débuts de ce combat : Marchoux* (1862-1943) qui, dès 1923, plaide l’humanisation des léproseries. Sur sa proposition, est ouvert à Bamako un centre de recherches sur la lèpre qui, plus tard, portera son nom : Institut Marchoux.

En 1944, la lutte contre la lèpre est réorganisée pour une meilleure coordination.

De leur côté, les chirurgiens du Corps, en particulier Carayon* et Bourrel*, innovent et adaptent des techniques opératoires pour soulager les lépreux, développant la chirurgie de la lèpre.

De nos jours, des organismes supranationaux (OCCGE et OCEAC) poursuivent en Afrique la lutte contre la lèpre avec le concours des médecins nationaux. L’OMS coordonne la lutte et chaque pays d’endémie gère sa campagne dont le financement est assuré par des organisations caritatives.

Actuellement, la mise en place de la polychimiothérapie permet d’espérer que cette maladie cessera progressivement d’être un problème de santé publique.

L’HISTOIRE DE LA LÈPRE

Les foyers les plus anciens pourraient être l’Inde et la Chine. De là, elle aurait gagné la Mésopotamie et les rives de la Méditerranée, facilement disséminée à l’intérieur de l’Empire romain. Elle atteint son apogée en Europe au XII° siècle, après les croisades, puis régresse. La ségrégation, la création de "maladreries" isolant les malades et limitant la contagion, mais surtout les progrès de l’hygiène, expliquent cette régression.

Au XIX° siècle, les travaux de Virchow et de Hansen apportent d’importantes données anatomo-pathologiques et bactériologiques. Mitsuda au début du XX° siècle donne les premières informations immunologiques et met au point un précieux test intradermique.

Lèpre lépromateuse
Taches lépreuses
Lèpre tuberculoïde

Actuellement, la maladie subsiste dans l’ensemble du monde tropical. Ses principaux bastions sont l’Afrique, l’Amérique centrale et du Sud, les Indes et l’Extrême-Orient. La carence protéique, la promiscuité, l’absence d’hygiène, l’ignorance, associées au rôle immuno-déprimant de nombreuses affections favorisent son maintien. De mondiale au moyen âge, la lèpre est devenue une maladie spécifiquement tropicale.

En France, les quelques centaines de cas actuellement reconnus sont des cas importés. Il y a plusieurs décennies qu’un cas autochtone n’a pas été rapporté.

Le nombre des lépreux dans le monde est passé en 30 ans de 10 millions à moins d’un million. Mais, les infirmités, persistant après guérison, sont encore retrouvées chez deux à trois millions d’anciens lépreux.

LE GERME ET LA TRANSMISSION DE LA LÈPRE

Due au bacille découvert par le Norvégien Hansen, en 1873, cette maladie humaine a une évolution chronique. Le développement très lent du germe dans l’organisme explique que la lèpre se déclare plusieurs années après la contamination. Une fois déclarée, l’évolution est lente ; les poussées évolutives alternent avec des phases d’accalmie qui peuvent se prolonger plusieurs années. L’affection se comporte souvent comme une maladie chronique, invalidante, non directement mortelle.

Bacille de Hansen agglomérés en globi

Le mode de contamination reste, dans chaque cas, mal précisé. Elle remonte souvent à l’enfance par inhalation de "postillons" d’un lépreux contagieux. Elle se fait également par des mucosités de lépreux mises au contact d’ulcérations ou de plaies cutanées enfin, par l’intermédiaire d’objets souillés : linge, natte, oreillers… Tous ces modes impliquent les contacts étroits et durables d’une promiscuité de type familial. La transmission héréditaire n’existe pas mais une transmission congénitale est possible.

Les puces, moustiques et autres insectes, impliqués dans la transmission d’autres maladies tropicales ont amené Marchoux*, en collaboration avec Bourret*, à rechercher l’hypothétique intervention d’un insecte. Cette recherche a toujours été vaine à l’exception du rôle occasionnel et rare de la mouche domestique comme vecteur passif.

L’ENDÉMIE LÉPREUSE OUTRE-MER

"La lèpre dans les colonies françaises est loin de représenter la maladie contagieuse la plus fréquente et la plus meurtrière. Elle doit cependant être considérée comme une tare des plus affligeantes (…) capable toujours d’entraver le développement économique d’un pays" M. Léger*, 1920.

Les populations autochtones, par tradition séculaire, organisent des villages de ségrégation. L’administration française poursuit cette politique. Le dispositif de lutte contre la lèpre repose, d’une part, sur la création de léproseries et même de "colonies agricoles" et d’autre part sur des limitations de circulation des lépreux, de leur accès à certaines professions, etc. Mais les médecins constatent que les villages se vident durant le jour. Les malades vont mendier dans les villages voisins… l’isolement est fictif. Au début du siècle, plusieurs rapports d’ensemble sur la maladie sont écrits par les directeurs de la santé, notamment Kermorgant* en 1905 et Grall* en 1910.

 En Indochine, la lèpre sévit partout. Cependant, elle est inégalement répartie et présente deux foyers principaux : le Tonkin et la Cochinchine. Les recensements faits par les médecins coloniaux, aux environs de 1900, indiquent quelques centaines de cas au Laos et au Cambodge. Ce nombre, reconnaissent-ils, ne comprend qu’une minime partie des malades, tous à un stade avancé de la maladie. Le Tonkin, surtout le delta surpeuplé, est un foyer plus actif. Bien que de nombreux lépreux se cachent, on évalue leur nombre à 5 000 comme en Cochinchine, à 2 000 en Annam. En 1912, le gouverneur Sarraut crée une direction des léproseries.

En 1938, Grosfilez* et Lefèvre* dans leur rapport annuel rapportent pour l’Union indochinoise un nombre de 8 104 lépreux dont 4 132 en Cochinchine et 2 772 au Tonkin. En quarante ans, le commentaire n’a pas changé : "ce chiffre (…) reste certainement très inférieur à la réalité. Un gros effort reste à faire dans le sens du dépistage des cas et dans celui de la ségrégation".

 En Afrique, Bernard* avec l’appui du directeur de la santé Dabbadie*, chiffre à plusieurs milliers le nombre de lépreux en Haute-Volta. Il ajoute qu’un nombre élevé de malades se dissimulent pour éviter la ségrégation. En 1955, le SGHMP réalisant une prospection et un dépistage en profondeur, le pourcentage de lépreux dans la population africaine est estimé à 200 pour 10 000. Dans l’ensemble du continent, en 1966, leur nombre est évalué à plus de cinq millions dont un million dans l’Afrique francophone.

 D’autres exemples :

En 1939, on recense 1800 lépreux dans les Comptoirs français des Indes ; quelques centaines en Martinique où Montestruc* en 1953, réorganise la lutte et s’attache à l’étude des formes observées chez le nourrisson et l’enfant. A la même époque, Floch*, en Guyane, renforce le dispositif anti-lèpre. L’endémie avait été signalée dès 1887 par Simond* qui en avait fait le sujet de sa thèse de médecine.

Au total, dans tout le domaine colonial français, la lèpre est présente et préoccupante. Mais, jusqu’à la venue des sulfones, vers 1950, le traitement est peu efficace. Sitôt dépisté et identifié, le malade doit, soit se dissimuler, soit être déporté vers un centre de traitement ou un village. En fonction des ethnies et des cultures, la collectivité est tolérante à son égard ou le repousse sans pitié.

LES ASPECTS CLINIQUES DE LA LÈPRE

Lépreux polyhandicapé

Les lésions apparaissent chez l’adulte jeune. Il s’agit de taches cutanées décolorées ou un peu cuivrées sur les peaux brunes et un peu rouges sur les peaux claires, avec un bord plus ou moins net. Cette première lésion est dite indéterminée. Selon les réactions de défense du sujet, la maladie évolue vers des aspects cliniques particuliers, bien précisés au début des années 1960 par Languillon*, puis par Ridley et Jopling.

Lorsque le sujet présente une résistance élevée et stable, se développe une lèpre tuberculoïde constituée de lésions cutanées caractéristiques et d’atteinte nerveuse réalisant la névrite lépreuse. Cette névrite localisée préférentiellement à certains nerfs (plexus cervical, cubital, médian, sciatique poplité externe) est à l’origine des paralysies et des troubles trophiques. Les bacilles sont rares et enserrés dans un tissu inflammatoire dense, le patient n’est pas contagieux.

Lorsque le sujet ne présente aucune résistance, se développe une lèpre lépromateuse objectivée par des lésions cutanées infiltrées, les lépromes. Les atteintes neurologiques sont discrètes et les atteintes viscérales sont fréquentes. Les bacilles sont facilement retrouvés, le patient est contagieux.

Entre ces deux formes bien caractérisées, se situe un véritable spectre de formes dites intermédiaires, pour lesquelles les réactions de défense sont instables est variables.

Depuis les années 1960, afin de mieux standardiser et réglementer la thérapeutique, l’ O.M.S. a classé les formes cliniques de le lèpre en :
 formes multibacillaires, correspondant aux formes lépromateuse et intermédiaires,
 formes paucibacillaires, correspondant essentiellement à la forme tuberculoïde.

L’HUMANISATION DE L’ISOLEMENT DES LÉPREUX

Dès ses débuts, en 1909, la Société de pathologie exotique, à Paris, préconise comme mesure essentielle de prophylaxie "l’exclusion systématique des lépreux" demandée par les premières Conférences internationales de la lèpre. Au cours des débats, les réserves formulées par Marchoux* ne sont pas retenues. La consigne est le recensement des malades, suivi de leur ségrégation. Le "code de l’indigénat" prévoit une peine de prison pour celui qui ne se soumet pas aux visites de dépistage des maladies endémiques.

Lèproserie (Ouagadougou)

Les léproseries tropicales ont mauvaise réputation. Faute de médicaments efficaces et d’hygiène élémentaire, malgré le dévouement des religieuses-infirmières (en Indochine en particulier), on les tient pour des mouroirs. Certaines cependant font des envieux et des clandestins cherchent à s’y faire admettre.

En 1923, la troisième Conférence internationale sur la lèpre s’ouvre à Strasbourg. Marchoux* en est le secrétaire général. Il plaide la cause des lépreux et s’élève contre les villages de regroupement. Peu à peu, les mentalités évoluent. La ségrégation coercitive disparaît. Les léproseries restent en fonction et le traitement ambulatoire par l’huile de chaulmoogra entre dans les moeurs. A Bamako, Laigret* fait libérer les lépreux internés à Djikoroni et les incite à se présenter régulièrement au dispensaire pour se faire traiter. Il en est de même dans les autres territoires.

Cependant, des centres de vie collective et de traitement sont, à cette époque, une nécessité pour certains patients. Des "villages thérapeutiques" existent encore de nos jours mais ils n’ont plus rien de coercitif, témoins ceux créés par Schweitzer en 1953 à Lambaréné, par Raffier* en 1963, près de Bouaké, par Languillon* en 1966 à Samanko, près de l’Institut Marchoux. Pour les malades les plus atteints, se faire traiter, voire se faire opérer, appareiller, tout en restant en famille, inséré dans la collectivité, correspond à leur aspiration. Ils sont libres et sont volontaires pour se joindre aux villages dont l’existence perd une grande partie de son sens aujourd’hui, à l’heure de la polychimiothérapie.

L’INSTITUT MARCHOUX

En décembre 1930, la "société spéciale de la lèpre" de la Société Des Nations se réunit à Bangkok. L’ordre du jour retient l’internationalisation de la lutte contre la lèpre en adoptant des règles communes de lutte contre la maladie et en standardisant les conduites thérapeutiques. Un réseau mondial de centres de recherches est en voie de constitution. Quatre villes sont déjà pourvues : Calcutta (Inde), Culion (Philippines), Honolulu (Hawaï) et Rio de Janeiro (Brésil). Tokyo est en vue.

La détermination de Marchoux*, appuyé par F. Sorel*, parvient à convaincre le gouvernement français de créer "l’institut central de la Lèpre" qui prend prend le nom de Institut Marchoux, en 1945, après le décès de celui-ci. En janvier 1932, est créée à Paris, au ministère des Colonies, une "Commission consultative de prophylaxie de la lèpre" dont la présidence est confiée à Marchoux.

La vocation de l’institut Marchoux est triple :
 Centre opérationnel régional de la lutte contre la lèpre,
 Centre de recherche clinique et thérapeutique, intégré au réseau mondial,
 Centre de formation et de spécialisation des personnels.

L’institut a la charge d’organiser, d’harmoniser et de coordonner les actions anti-lépreuses dans toute l’Afrique noire française. En pratique, ces attributions sont transférées au SGHMP au moment même où arrive la polychiothérapie.

Ce n’est, en effet, qu’après l’utilisation large des sulfones, au début des années 1950, que les dépistages deviennent réellement efficaces et qu’en même temps l’endémie régresse. Cette régression deviendra spectaculaire après l’ introduction de la polychimiothérapie.

La mise au point de ces protocoles doit beaucoup aux équipes qui se sont succédées à l’ Institut et à leurs directeurs : Laviron*, Kerbastard*, Languillon*, et Saint André*. De 200 pour 10 000, le pourcentage des lépreux tombe, en quarante ans, à 5 pour 10 000. Entre temps, 800 000 malades ont été dépistés et traités par le Corps de Santé Colonial.

L’ORGANISATION DE LA LUTTE

La nécessité de coordonner la lutte contre la lèpre à l’échelon des fédérations s’impose très tôt. Elle se fait après une série de tâtonnements et d’étapes.

1931 : le service de prophylaxie de la lèpre de l’AOF est créé. Son siège est à Bamako. Il a pour mission de recenser et traiter les malades ainsi que d’assurer la surveillance des effets du traitement. En réalité, les services de santé des différentes colonies composant les fédérations sont indépendants et appliquent les instructions que leur donnent les directeurs de la santé. Aucune coordination n’est encore possible.

1939 : le service général autonome de la maladie du sommeil (SGAMS) est créé. Il est fédéral, indépendant de l’administration de chaque colonie. Il préfigure ce que doit être un service de coordination dans la lutte contre une maladie transmissible.

1945 : le SGAMS est transformé en SGHMP qui organise la lutte contre la lèpre sur le terrain à partir de Dakar et de Yaoundé. L’institut Marchoux, centre de recherches, centre pilote de traitement et d’enseignement, lui est rattaché.

Départ d’une tournée de traitement (AEF 1956)

1953 en AEF et 1955 en AOF, les sulfones sont arrivées, et Richet* donne un nouvel élan au dépistage et au traitement, obtenant des aides importantes d’organismes internationaux : Organisation mondiale de la santé (OMS), Fonds international de secours à l’enfance (FISE), Fonds international pour le développement économique et social (FIDES) et aussi des organisations humanitaires regroupés dans la Fédération internationale des associations de lutte contre la lèpre. Deux de ces organisations jouent un rôle prépondérant dans les anciennes colonies françaises : Ordre de Malte qui subventionne l’institut de léprologie appliquée de Dakar et la Fondation Raoul Follereau qui, parmi d’autres programmes, subventionne l’institut Marchoux.

Une organisation originale prend forme sous l’impulsion de Richet* et Labusquière*, en 1956, en application de la méthode Jamot* : les circuits "en marguerite" sont mis en place. Il s’agit de tournées cyclistes quotidiennes au cours desquelles un aide-infirmier parcourt un circuit "en pétales de fleur" de quelques dizaines de kilomètres et distribue les comprimés de sulfones. Ce personnel tient à jour la fiche de chaque patient et dépiste les suspects qu’il adresse au médecin de secteur. Ce dispositif permet de dépister et traiter des centaines de milliers de patients.

De 1945 à 1960, la lutte contre la lèpre est faite, pour l’essentiel, sous la responsabilité des médecins du Corps de santé colonial, chefs des secteurs du SGHMP, progressivement remplacés, après 1960, par des médecins nationaux. Une organisation nationale remarquable est mise en place par Maurice Rive* en Côte d’Ivoire et par Labusquière* en Haute-Volta.

Distribution de sulfones à Madagascar dans les années 1950

Mais les prises irrégulières ou insuffisantes font apparaître une résistance aux sulfones qui, décelée dès 1964, va devenir un véritable obstacle. Cependant, d’autres médicaments antilépreux majeurs sont découverts et la lèpre régresse, les formes contagieuses se raréfient et les lésions se stérilisent bactériologiquement. Tout ceci va de pair avec une élévation des niveaux de vie et d’hygiène.

Au moment des indépendances, les nouveaux États conçoivent la nécessité d’une action commune contre les grandes endémies dont la lèpre. Ainsi naissent l’OCCGE et l’OCEAC.

LA CHIRURGIE DANS LA LÈPRE

Complémentaire du traitement médical, parfois suivie d’une rééducation fonctionnelle et d’appareillage, la chirurgie de la lèpre peut empêcher l’irréversibilité de beaucoup de paralysies et réduire les infirmités lépreuses générées par l’atteinte des troncs nerveux. Elle mérite d’être plus souvent utilisée.

Longtemps, les chirurgiens n’ont pratiqué que des interventions de propreté ou de "régularisation" des extrémités infectées ou nécrosées.

Maux perforants plantaires lépreux simples et compliqués

Après l’arrivée des sulfones, qui arrêtent l’évolution de la maladie, deux nouveaux types de chirurgie ont vu le jour :

 Les interventions curatrices agissant sur les lésions nerveuses évolutives parallèlement au traitement médical. Il s’agit soit d’évacuation d’abcès lépreux interfasciculaires, soit de neurolyses libérant les adhérences inflammatoires intra ou péri-tronculaires. Les premières tentatives de telles décompressions sont dues à Lassiéra, en 1953, elles furent affinées par Carayon* à partir de 1957 sous le nom de neurolyse fasciculaire.

Nerf cubital comprimé au coude

 Les interventions réparatrices palliatives des paralysies. Dès 1953, Carayon* remplace les arthrodèses par la réanimation des extenseurs du pied. Mais, c’est surtout au niveau des paralysies de la main que les efforts des chirurgiens ont multiplié les techniques.

En 1958, Languillon* crée un service de chirurgie de la lèpre à l’institut Marchoux et Bourrel* simplifie, améliore et codifie la plupart des interventions réparatrices et de décompression nerveuse, les rendant réalisables à l’échelon de l’hôpital de district, au plus près du malade, par le chirurgien généraliste du poste ou par un chirurgien venu temporairement de l’extérieur.

En publiant, en 1997, son recueil de "Techniques de chirurgie de la lèpre pour l’hôpital de district", l’OMS a avalisé cette stratégie.

LA LÈPRE DE NOS JOURS

L’évolution actuelle est marquée par l’entrée dans la thérapeutique de la lèpre de nouveaux médicaments dont les principaux sont :
 La rifampicine, utilisée depuis 1968, très efficace, bactéricide, son coût justifie un contrôle de la prise du médicament,
 La clofazimine, également chère et non toxique utilisée depuis 1972,
 La thalidomide intéressante dans certaines formes de réactions lépreuses.

Les schémas et la durée des traitements se sont trouvés bouleversés et raccourcis. Les polychimiothérapies ont transformé l’évolution, stérilisant rapidement le malade et évitant la transmission de la maladie. Ainsi, les lèpres paucibacillaires sont traitées pendant 6 mois et les lèpres multibacillaires pendant 2 ans. La guérison devient ainsi la règle mais les infirmités, (paralysies, troubles trophiques, maux perforants, moignons..), si elles étaient constituées, demeurent bien évidemment, d’où l’intérêt d’un traitement aussi précoce que possible.

L’objectif de l’ OMS est l’élimination de la lèpre en tant que problème de santé publique. Ce but sera atteint lorsque le pourcentage de lépreux sera inférieur à 1 pour 10 000. En fait cinq pays (Inde, Nigéria, Myanmar, Indonésie et Brésil) comptent actuellement plus de 80 % des lépreux recensés.

Dans le monde, le nombre de lépreux dépistés chaque année reste entre 600 000 et 700 000 et il y a encore des centaines de milliers de lépreux handicapés qui ont besoin de soins chirurgicaux.

L’aide internationale permet d’avancer rapidement. Cette aide est assurée, entre autres, par la fondation Raoul Follereau et les oeuvres hospitalières de l’Ordre de Malte. L’effort doit aussi être poursuivi par la Santé publique, par les chercheurs qui doivent découvrir de nouveaux médicaments plus efficaces et, pourquoi pas, un vaccin.

En attendant, la surveillance de réveils évolutifs s’impose et les infirmités doivent être réparées ou compensées.
Dans le domaine de la lèpre, comme dans d’autres, la compétence du Corps de santé colonial français est reconnue par les organisations internationales. Sansarricq*est nommé chef du service de la lèpre au siège de l’OMS et la polychimiothérapie anti-lépreuse est établie sous sa responsabilité. Le programme de l’OMS contre la lèpre est dirigée par un autre médecin du Corps, Daumarie*.

Pour en savoir plus :

 Beaudimont A. et Laviron P. : La lèpre. in Médecine tropicale p. 1395 M. Vaucel 1954 Flammarion et Cie Edit.
 Joyeux Ch. et Sicé A. : La lèpre. in Précis de médecine coloniale p.540 Masson et Cie Edit. 1937.
 Bourrel P. : Chirurgie de la lèpre chez l’africain. Expérience personnelle de 580 interventions. Med. Trop. 1969,29,1-32.
 Bourrel P. : Place de la chirurgie dans la prévention et le traitement des infirmités lépreuses. in Précis de léprologie Languillon . p 251-279. Pré-presse Pastel-Créations,1999, Lavaur.
 Carayon A. : Les névrites lépreuses. 1 vol. Masson Edit. 1986 Paris.
 Languillon J. : Précis de lèprologie 1 vol. 1999 Lavaur.
 Sansarricq H. : La lèpre 1 vol. Ellipses 1995 Paris.