Une fièvre élevée et persistante, une profonde obnubilation (tuphos) et une éruption cutanée (exanthème) constituent la trilogie qui permet d’individualiser, parmi les fièvre tropicales, le groupe des "fièvres typho-exanthématiques" ou typhus. Après la découverte de leur agent causal, les rickettsies, bactéries originales, on les appelle rickettsioses. Il s’agit d’un groupe d’affections variées, classées par les auteurs modernes en fonction de leur type épidémique et de leur prédominance géographique.
Deux d’entre elles sont de répartition mondiale et ont donc été observées dans les colonies françaises.
– La plus redoutée, le typhus exanthématique ou historique, transmise par le pou de l’homme, est rapportée, depuis l’Antiquité, sous forme d’épidémies meurtrières qui se situent dans le sillage des guerres et des grandes migrations de populations. Après la Deuxième Guerre mondiale, survient une vaste pandémie qui atteint notamment l’Afrique noire.
– La seconde rickettsiose cosmopolite, le typhus murin, est véhiculée par la puce du rat. Plus stable, elle sévit surtout dans les grands ports coloniaux. A Dakar, des foyers sont périodiquement signalés. Par exemple, en 1935, Durieux* et Rivoalen* identifient la rickettsie responsable chez de nombreux rats capturés au port de commerce. A Shanghai, Raynal* émet l’idée d’un typhus murin susceptible de s’adapter au pou de l’homme et d’être transmis par celui-ci. En Indochine, Marneffe* à Saigon et Bablet* à Hanoi s’intéressent également à cette rickettsiose.
D’autres rickettsioses ont un caractère régional.. Elles ont en commun d’être transmises chacune par une tique particulière ou sa larve. Le littoral méditerranéen, le continent américain et l’Extrème-Orient ont chacun leur rickettsie et leur typhus propres. Le domaine colonial français n’est guère représenté dans ces parties du globe qu’en Indochine. On y retrouve le typhus asiatique dit "typhus des broussailles", en particulier pendant la guerre d’Indochine. Sur le plan clinique, en 1953-54, Guicheney*, d’après une série de 180 malades observés à Hanoi décrit la valeur diagnostique précoce des maux de tête particulièrement intenses au niveau des tempes.
En Provence, sévit de façon sporadique une rickettsiose appelée "fièvre boutonneuse méditerranéenne" ou "fièvre rouge de Marseille", particulièrement étudiée par les chercheurs du Pharo et de l’hôpital Laveran à Marseille associés avec leurs confrères de la faculté de médecine.
L’Afrique noire semblant curieusement épargnée par ces rickettsioses à tiques, les pasteuriens se livrent à des prospections très poussées. Dans les années 1930, une "fièvre à tique africaine" est décrite par les Anglais mais non retrouvée dans les territoires français. On mentionne également une "fièvre rouge congolaise". En liaison avec Giroud de l’institut Pasteur de Paris, Le Gac* se consacre longuement, dans les années 1950, à ces recherches en AEF. S’appuyant tantôt sur des tests sérologiques, tantôt sur des tests cutanés, il identifie des cas de typhus commun mais aussi d’une forme moins répandue : "la rickettsiose varicelliforme". En AOF, Jonchère* et Coll soupçonnent également la présence d’une fièvre boutonneuse à tiques.
Pour en savoir plus :
– Payet M. : Les rickettsioses. Conc. Méd. 1969,91, 46,8371-8378.
– Raoult D. : Fièvre boutonneuse méditerranéenne. Rev. Prat. 1990,40,21, 1989-1991.
– Tissot-Dupont H. : Histoire du typhus. Méd. Mal. Infect. 1995,25,823-829.
– Tissot-Dupont H. Raoult D. : Epidémiologie de la fièvre Q. B.E.H. 5/93.
– Tissot-Dupont H. Raoult D. : Epidémiologie de la fièvre boutonneuse méditerranéenne en France. B.E.H. 35/93.