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LES ÉCOLES D’INFIRMIERS ET DE SAGES-FEMMES
Article mis en ligne le 12 janvier 2024
dernière modification le 16 février 2024

Ses collaborateurs autochtones jouant un rôle important dans l’action sanitaire sous les tropiques, le Corps de santé colonial met progressivement en place des filières de formation de ce personnel. Avant même de créer des écoles de médecine et pharmacie, il s’attache à former des infirmiers, des sages-femmes et les personnels techniques regroupés sous le terme de personnel paramédical.

Selon les estimations, ont été ainsi formés dans l’empire colonial français quelques dizaines de milliers d’infirmiers et aides soignants, plusieurs milliers de sages-femmes et infirmières-accoucheuses.

L’infirmier constitue un rouage très important. Il seconde le médecin et même souvent le représente dans les dispensaires les plus reculés. Sa formation retient particulièrement l’attention. Il en va de même pour la formation des sages-femmes.

L’enseignement dispensé présente la double originalité d’être, plus qu’en Europe, orienté vers les prises de décision et vers les tâches de santé publique.

Les autres catégories de personnel paramédical, notamment les préparateurs en pharmacie, les techniciens de laboratoire, de radiologie…, suivent des filières spécifiques dans les lycées techniques ou correspondent à une spécialisation des infirmiers.

LES PERSONNELS DE L’ACTION SANITAIRE

Sage-femme en uniforme

Parmi les "ressources humaines" de l’action sanitaire, les médecins et pharmaciens jouent un rôle prépondérant mais ils sont, numériquement, une faible minorité. L’effectif le plus important est celui des infirmiers et infirmières.

Ainsi, au Sénégal, en 1960, pour une population évaluée à 4 millions d’habitants, 3 800 agents émargent au budget de la santé publique (sont exclus l’armée, l’université, l’hôpital Principal et les praticiens privés). Ils se répartissent comme suit :

Médecins, pharmaciens, dentistes : 150.
Infirmier(e)s : 800.
Sages-femmes : 150.
Aides soignants, agents des services : 900.
Assistants sanitaires, techniciens divers : 350.
Administratifs, personnels d’exploitation : 1 450.

Le personnel paramédical d’encadrement est formé ou recruté en France. Ce sont notamment les infirmiers-majors des unités de soins ou des blocs opératoires, les techniciens de radiologie et les maîtresses sages-femmes. En dehors des sous-officiers infirmiers, des civils sont recrutés par le ministère des Colonies en qualité de "sages-femmes ou infirmières coloniales". De même certains ordres de religieuses fournissent des infirmières métropolitaines contractuelles.

Par contre, est formé sur place tout le personnel dit "auxiliaire" ou "du cadre local", constitué exclusivement de ressortissants indochinois, africains, malgaches…, destinés à servir dans les services publics de la colonie en question. Plus tard, l’OMS propose, pour la plupart de ces personnels techniques, une large utilisation de la dénomination d"agent sanitaire".

Enfin, il est bon de préciser que ces modestes effectifs en personnels de toutes sortes dépendent , non des besoins ni des demandes des autorités médicales, mais des possibilités budgétaires.

LA FORMATION DES INFIRMIER(E)S

Le même vocable d’infirmier recouvre des réalités différentes suivant les périodes. Ainsi, au début de la présence française, les recrues, illettrées, assurent le brancardage, font les pansements simples, les lavements, distribuent les médicaments, font la toilette des hospitalisés.…

Jamot*, pour lutter contre le fléau endémique de la trypanosomiase ouvre, dès son arrivée au Cameroun une école "d’assistants". Les formations y sont essentiellement pratiques. Un tel sera formé à l’entretien des microscopes, tel autre qui sait lire et écrire prendra les identités, tel autre sera préposé aux injections sous-cutanées, etc... La plus remarquable réussite est la formation des microscopistes qui se révèlent de redoutables chasseurs de trypanosomes sur les frottis qu’on leur soumet.

Formation des microscopistes

En une décennie, les écoles primaires ouvertes ont amené certains enfants jusqu’au certificat d’études primaires. Dans la capitale de chaque colonie s’ouvrent des écoles recrutant sur concours ces jeunes certifiés. Ce sont des écoles d’instituteurs, de commis d’administration et aussi d’infirmiers. La formation de ces derniers est assurée dans l’hôpital de la ville par les médecins du Corps de santé colonial. Elle est essentiellement pratique, les programmes étant dictés par la variété des malades hospitalisés et des consultants externes. Des cours théoriques sont également assurés. La durée des études est de deux ans.

A côté de cette filière de formation, en 1951 s’ouvre, à Dakar pour l’Afrique, à Tananarive pour Madagascar, une école d’infirmiers d’État (la plupart des autres colonies ayant changé de statut en 1946, la formation de leurs infirmiers suit celle qu’indique leur nouvelle dénomination). L’école d’infirmiers d’État recrute au niveau du brevet d’études du premier cycle, comme en France. Les programmes, les méthodes, la durée des études sont les mêmes qu’en France. Ce diplôme d’État vaut pour la pratique libérale ; l’école n’est plus réservée aux futurs fonctionnaires et de nombreux élèves-libres français, libanais… y sont admis. En 1960, les promotions de l’école de Dakar sont d’une soixantaine d’élèves, de nationalités variées.

Ponction lombaire

Après l’indépendance, les deux filières coexistent dans certains pays. La première forme des "agents sanitaires", l’autre qui, plus tard, recrute, comme en France, au niveau baccalauréat forme des "infirmiers". Plusieurs de ces derniers, après des études complémentaires, deviennent cadres et enseignent dans les écoles nationales d’infirmiers.

LA FORMATION DES SAGES-FEMMES

Avant l’arrivée des Européens, les femmes accouchent à domicile. La grossesse et l’accouchement ayant un profond enracinement culturel, le recours aux accoucheuses empiriques ou matrones reste fréquent dans la plupart des colonies durant plusieurs décennies, même dans les grandes villes. Progressivement mais lentement, les femmes viennent à la maternité ou au dispensaire.

Il apparaît très vite d’abord que le nombre d’accidents diminue et aussi qu’il est nécessaire de confier à un personnel féminin non seulement l’assistance pendant les accouchements mais aussi le suivi des grossesses et les soins des femmes. Les premières auxiliaires sont des aides formées sur place, par un apprentissage quotidien. Ce sont ensuite des infirmières, lorsque, comme dans d’autres branches, la profession d’infirmier cesse d’être exclusivement masculine.

L’ouverture d’une école de médecine est rapidement suivie de celle d’une école de sages-femmes. A Tananarive et Hanoi autour de 1900, à Dakar en 1920, les jeunes filles ayant au moins le certificat d’études primaires sont recrutées sur concours. Elles sont boursières et vivent en internat. Les études durent trois ans. Leur diplôme de fin d’études ne vaut que pour être recrutées par l’administration.

Cours pratiques en salle d’accouchement (Saïgon 1923)

La France, ayant institué et rendu obligatoire en 1948 son diplôme d’État, les écoles existantes sont remplacées par des écoles de sages-femmes d’État. Celle de Dakar avait formé de 1920 à 1957 environ 450 sages-femmes. La nouvelle école d’État fonctionne "à la française" : recrutement au brevet du premier cycle, plus tard au baccalauréat, diplôme national, élargissement des carrières offertes hors de la fonction publique attirant des jeunes françaises ou libanaises …. Les promotions sont d’une trentaine d’élèves.

Après les indépendances, chaque État crée son école et délivre un diplôme national.

LES PARTICULARITÉS DE CES FORMATIONS

Au début, les diplômes délivrés par ces écoles n’ont valeur que de qualification professionnelle dans la fonction publique du pays. Les enseignants du Corps de santé colonial ont toute latitude pour définir les programmes et choisir les méthodes pédagogiques. Attentifs et bien informés sur les conditions de travail de ces personnels, les méthodes qu’ils retiennent sont en parfaite adéquation avec la pratique professionnelle ultérieure. A l’hôpital ou dans les dispensaires, c’est par l’observation des gestes utiles vis à vis du patient et des attitudes appropriées vis à vis des familles, par leur répétition sous contrôle que les élèves acquièrent leur savoir faire.

Deux particularités caractérisent l’exercice professionnel de ces auxiliaires médicaux outre-mer :

 L’infirmier (ou la sage-femme) a un champ de décisions et d’attributions plus vaste que son homologue d’Europe. Lorsqu’il est affecté comme chef de poste d’un dispensaire de brousse, ayant dans son ressort 10 à 20 000 habitants, il lui incombe de faire des diagnostics et d’engager des traitements. Il se comporte en "assistant médical". Il prescrit des antibiotiques, incise et draine des abcès, fait même des accouchements , aidé par la matrone. Cette compétence a ses limites et l’expérience lui permettra vite de discerner les cas à évacuer au chef-lieu vers le médecin de la circonscription … dans la mesure où un véhicule sera disponible.

Cours d’infirmières sociales (Dakar 1960)

 La deuxième particularité est la nécessaire orientation vers les tâches de santé publique, vers la protection de la collectivité. Dans certaines écoles d’infirmiers, au Sénégal en particulier, trois filières sont ouvertes. A côté des "infirmiers de soins" où les pratiques diagnostiques et thérapeutiques sont codifiées par des fiches techniques, il existe une filière "infirmières sociales "et une filière "infirmiers d’assainissement". Les infirmières sociales travaillent avec les sages-femmes dans le cadre de la protection maternelle et infantile, les infirmiers d’assainissement ont des préoccupations tournées vers l’hygiène des collectivités.

Enfin, il existe pour les infirmiers des spécialisations possibles dans la lutte contre les grandes endémies avec des formations particulières au centre Muraz pour la trypanosomiase ou à l’institut Marchoux pour la lèpre.