La variole est une maladie infectieuse éruptive due à un virus strictement humain. Elle est hautement contagieuse et se transmet le plus souvent directement d’homme à homme mais parfois par l’intermédiaire d’un objet contaminé sur lequel le virus peut survivre très longtemps.
L’aspect clinique est constitué de lésions cutanées caractéristiques présentant une évolution stéréotypée sur une quinzaine de jours. L’évolution est sévère et souvent mortelle. En cas de guérison, l’immunité réalisée est solide et de longue durée.
La lutte contre la variole avant les observations de Jenner donne peu de succès et les épidémies se multiplient.
Après Jenner, au début du XIX° siècle, le rôle des médecins militaires s’affirme rapidement et à partir de 1890, des instituts vaccinogènes sont créés dans les différentes colonies. Le service de santé colonial a joué un rôle essentiel, la vaccination pratiquée par scarification étant remarquablement efficace. La mise au point d’un vaccin sec permet des progrès spectaculaires menant à l’éradication mondiale en quelques décennies. Cette éradication laisse cependant persister quelques interrogations concernant les pox-viroses, maladies dues à des virus voisins.
LES ASPECTS CLINIQUES
Après une incubation silencieuse de 12 à 14 jours, la maladie débute brutalement par un frisson, une forte fièvre à 40° avec de violents maux de tête et des douleurs lombaires.
L’éruption débute au troisième jour à la face et a une évolution descendante. Les pustules se rompent puis se dessèchent, donnant des croûtes noirâtres. La chute de ces croûtes laisse des cicatrices indélébiles. Ces croûtes sont extrêmement contagieuses et peuvent se localiser sur des objets ou des vêtements.
Selon les épidémies, la mortalité oscille entre 10 et 50 % des malades.
LES OBSERVATIONS DE JENNER
La maladie, connue depuis l’antiquité, sème la terreur partout où elle se manifeste. Elle devient de plus en plus fréquente au fil des siècles par suite du développement des voyages et des déplacements humains.
A cette époque, en Chine, se pratique la "variolisation" qui consiste à inoculer à un sujet sain des croûtes desséchées de pustules varioliques provenant de sujets ayant développé des formes jugées bénignes. La mortalité n’est, malgré tout, pas nulle et cette pratique contribue à disséminer le virus. La meilleure protection reste l’isolement des malades et leur mise en quarantaine.
Jenner remarque que les fermières deviennent réfractaires à la variole lorsqu’elles ont contracté le cow-pox, ou vaccine ou "variole de la vache", maladie des pis de cet animal transmissible à l’espèce humaine chez qui elle provoque une maladie peu grave. En 1796, il démontre la réalité de cette protection, vis à vis du virus de la variole, chez des sujets volontairement inoculés par le cow-pox. C’est la découverte de la vaccination.
LE RÔLE DES MÉDECINS MILITAIRES FRANCAIS AU XIX° SIÈCLE
La vaccination jennérienne par scarification entre progressivement dans les habitudes de l’époque. La Grande Armée napoléonienne est vaccinée au camp de Boulogne, l’Empereur et son fils le sont, en public, en 1811.
Dès 1831, en Algérie, Chevreau commence une campagne de vaccination à Alger puis dans toutes les grandes villes. Les médecins militaires éprouvent de grandes difficultés pour la vaccination de bras à bras qui n’était pas toujours efficace ni sans danger.
Chambon parvient à obtenir la pulpe vaccinale sur la génisse en 1864 et le médecin de deuxième classe Vaillard crée au Val de Grâce le premier centre vaccinogène de l’armée, permettant l’utilisation de la pulpe vaccinale glycérinée.
Malgré cela, pendant la campagne de 1870-1871, les armées, insuffisamment vaccinées, développent 200 000 cas de variole avec 23 000 décès.
LA CRÉATION DES INSTITUTS VACCINOGÈNES DANS LES COLONIES
Maladie mondiale jusqu’à la fin du XIX° siècle, la variole se limite progressivement aux régions tropicales et l’action des médecins des troupes coloniales est déterminante pour sa régression, puis son éradication.
Dès leur arrivée en Indochine et au Cambodge, leurs précurseurs, les médecins de marine, commencent des campagnes de vaccination anti-variolique. L’amiral de la Grandière crée un comité de la vaccine à Saigon le 26 décembre 1867. La vaccination de "bras à bras" est la pratique retenue au Tonkin dans les infirmeries ou par les médecins itinérants de 1880 à 1890.
En 1890, un institut vaccinogène est créé à Saigon. Calmette* est chargé par Pasteur et Roux de le diriger. Le vaccin préparé en France ne supportant pas la chaleur, Calmette* innove et met au point une pulpe vaccinale glycérinée à partir du buffle, conditionnée en tubes scellés. Cela permet des vaccinations plus faciles à partir de scarifications, évitant la vaccination de bras à bras.
Dès 1891, 120 000 vaccinations et revaccinations sont pratiquées suivant cette méthode qui sera généralisée rapidement à tout le Tonkin et progressivement à toute l’Indochine, surtout à partir de 1904, lorsque les premières promotions de médecins auxiliaires indochinois permettent de disposer d’un personnel vaccinateur avec des infirmiers autochtones spécialisés. Les gros problèmes posés par cette maladie, les distances, la chaleur et la nécessité de grandes quantités de vaccin justifient la multiplication des centres vaccinogènes.
Après la première guerre mondiale, l’Indochine compte six centres vaccinogènes : Saigon, Hanoi, Hué, Xieng Kouang, Vientiane et Luang Prabang. La lutte antivariolique prend d’autant plus d’ampleur que des flambées épidémiques continuent à sévir. Cette lutte est menée par de nombreuses équipes mobiles de l’AMI dirigées par les médecins de postes et des médecins auxiliaires indochinois. En une dizaine d’années, la variole disparaît pratiquement d’Indochine.
A Madagascar, Thiroux* aidé de Clarac* inaugure l’institut de la vaccine en 1897. Le dernier cas de variole signalé à Madagascar date de 1921.
En AOF, Marchoux* crée un institut vaccinogène à Saint Louis du Sénégal en1895, Martin* en Guinée en 1905, Bouet* en Côte d’Ivoire et au Dahomey en 1908, et Kermorgant* en AEF en 1908.
Comme en Indochine, les distances et la chaleur entravent gravement la stabilité du vaccin. Les tentatives de stabilisation par Joyeux* en Guinée en 1909 et par Sorel* en Côte d’Ivoire en 1911 ne mènent qu’à des résultats irréguliers, les produits obtenus étant de qualité inégale.
LA MISE AU POINT DU VACCIN SEC - LE RECUL GÉNÉRAL DE LA MALADIE
La mise au point en 1917 par Fasquelle, élève de Vaillard au Val de Grâce, puis successeur de Chambon à l’institut de la vaccine à Paris, de la dessiccation sous congélation du virus vaccinal est un progrès considérable. Le vaccin est sec, thermostable, susceptible d’être transporté dans un tube scellé en tous lieux en conservant son activité. Il supplante le vaccin glycériné.
A partir de 1919, le service de santé colonial décide de généraliser l’emploi de ce vaccin sec dans toutes les colonies. 10 millions de doses y sont utilisées chaque année et le recul de la maladie est général.
Dans l’ensemble du continent africain où beaucoup de régions ne sont pas encore vaccinées et notamment les territoires sous contrôle britannique, le nombre annuel de cas de variole entre 1928 et 1966 oscille entre 15 000 et 40 000 avec un maximum à 55 000 en 1943 et 1947, la Deuxième Guerre mondiale ayant eu pour conséquences un relâchement de la politique de vaccination.
Dès 1939, les vaccins contre la fièvre jaune, souche de Dakar, et antivariolique sec sont associés. Le succès est remarquable, les campagnes de vaccination systématique des populations sont effectuées sous l’égide du service des grandes endémies et des services d’hygiène urbains.
L’ÉRADICATION ET PÉRIODE ACTUELLE
A partir des années 1960, en même temps que la fièvre jaune, la variole recule partout, ne restant cantonnée que dans certaines régions, l’Éthiopie et la Somalie en Afrique, le Bengladesh en Asie. En 1967, l’éradication est envisagée par l’OMS par une action sur les zones encore infectées et une surveillance de tous les instants des autres zones. Les instituts Pasteur et l’ensemble des médecins des grandes endémies participent à cette campagne d’éradication et à la veille épidémiologique.
La première éradication au monde d’une maladie réalisée avec un vaccin très archaïque est officiellement déclarée en 1980, le dernier cas ayant été reconnu en 1977 en Somalie. La vaccination antivariolique est abandonnée.
Depuis cette date, les pox-viroses se manifestent chez l’animal sous une forme endémo-sporadique. Il s’agit essentiellement du "monkey pox" ou "variole des singes". Le risque d’une adaptation à l’homme de ce virus ou d’un autre pox-virus voisin ne peut être écarté bien que la menace ne paraisse pas identifiée. Quelques cas humains groupés en petites épidémies sont rapportés ces dernières années. Les aspects cliniques sont identiques à ceux de la variole mais la contagiosité et la mortalité sont moindres. La veille épidémiologique est permanente et d’autant plus minutieuse que le virus de la variole est un des principaux candidats pour la guerre bactériologique.
L’éradication de cette maladie a été l’oeuvre de tous mais les médecins des troupes coloniales et leurs collaborateurs ont joué un rôle majeur en Afrique, à Madagascar, en Indochine. Le témoignage du CDC d’Atlanta mérite d’être rappelé.
Pour en savoir plus :
– Fasquelle R. Fasquelle J. : Vaccin desséché et campagne de vaccination dans les pays chauds. Bull. panamerican sanatary bureau. Washington, 1949,28,1118.
– Fasquelle R. et Barbier P. : A propos de la dessication sous congélation. Sem. Hôp. Paris 1950,26,92,4762-4766.
– Foege W.H. Miller J.D. et Henderson D.A. : Bull. de l’OMS. 1975, 52,209-222.
– OMS.- Final report of the globalk commission for the certification of smallpox. Genève 1979.
– Chronique OMS.- Courbe de cas notifié 1928-1966 sur 40 ans. 1980,34, p.43.
– Breman J.G. Kalisa-Ruti, Steniovski M.V. Zanotto E. Gromyko A.I. Arita I. : Le monkey pox chez l’homme 1970-1979. Bull. de l’OMS 1980,58,6,849-868.
– Ferchal F. : Orthopoxvirus : variole et vaccine. Encyclo. Méd. -chir. Paris. Maladies infectieuses 8-050-j10-1995.