Poursuivant l’œuvre entreprise par les pharmaciens de marine, leurs précurseurs, les pharmaciens du Corps de santé colonial, bien que peu nombreux, ont largement contribué, à partir de 1890, à l’œuvre humanitaire de la France, outre-mer. Plusieurs ont laissé leur vie dans ces territoires lointains et beaucoup leur santé ou celle de leur famille.
Les perspectives d’action du pharmacien colonial en font une profession exaltante. Il est en effet appelé à des activités très diverses auxquelles ses connaissances pratiques multidisciplinaires acquises dans les écoles de formation l’ont préparé.
Pharmacien, il est avant tout responsable du ravitaillement sanitaire, de l’hôpital et de la pharmacie d’approvisionnement du territoire, mais sa compétence de chimiste multiplie ses champs d’action. Elle le conduit à rendre d’appréciables services dans les domaines de la santé, santé publique (instituts Pasteur d’outre-mer), de l’économie et de la justice.
Transmettant ses connaissances à ses collaborateurs et à de jeunes élèves, il fait œuvre d’enseignant. La recherche est l’activité de certains d’entre eux, les domaines explorés étant variés mais toujours essentiels.
Après la Seconde Guerre mondiale, le développement des transports aériens raccourcit les délais, les administrations et les sociétés privées font davantage appel à des laboratoires métropolitains. Les industries installent sur place leurs propres laboratoires de contrôle. Le pharmacien colonial est alors moins sollicité pour ses compétences de chimiste.
Les pharmaciens coloniaux ont été intégrés en 1968 dans un corps unique des pharmaciens militaires. "Ils ont insufflé à ce nouveau corps leur attrait pour l’aventure, un esprit souvent peu conformiste et indépendant, parfois même un peu frondeur, mais aussi un goût traditionnel de la lutte et des responsabilités à assumer". P. Acker*.
LES PRÉCURSEURS
Les premiers pharmaciens des colonies sont des pharmaciens de marine et un arrêté de 1827 décide que, tous, serviront alternativement dans les ports et aux colonies. En 1890, les premiers pharmaciens du nouveau service de santé des colonies sont des pharmaciens de marine ayant choisi le service aux colonies.
Plusieurs sont victimes des épidémies, en particulier de la fièvre jaune au Sénégal ou meurent à leur retour en métropole des suites de maladies tropicales. Deux d’entre eux se distinguent :
– Victor Liotard* naît aux Indes en 1858. Après un séjour en Guyane, il accompagne Galliéni dans une expédition au Soudan (1886). Il choisit le nouveau service de santé des colonies en 1891 et exécute une mission scientifique au Congo. En 1892, Savorgnan de Brazza le charge d’établir l’hydrographie du bassin du Congo et de développer l’influence française vers celui du Haut-Nil. Sa mission pacifique est un succès ; il donne à la France le Haut-Oubangui dont il devient le gouverneur en 1894. Il quitte le service de santé pour l’administration coloniale et poursuit la pénétration pacifique vers le Haut-Nil, jusqu’à l’arrivée de la mission Marchand qui sera arrêtée à Fachoda. Ensuite, l’ancien pharmacien colonial sera successivement gouverneur du Dahomey, de la Nouvelle-Calédonie et de la Guinée.
– Edouard Raoul* fait autorité en agronomie tropicale. Après six séjours coloniaux, il opte en 1890 pour le nouveau service de santé colonial dont il sera le premier pharmacien-chef. Professeur à l’école coloniale de Paris, il est l’auteur de plusieurs ouvrages spécialisés. Il crée un jardin agronomique à Tahiti et introduit en Indochine les premiers hévéas dont la culture sera développée par Yersin* avec une réussite retentissante. En mission aux Indes néerlandaises à la recherche de plants d’arbres à gutta (très utilisé pour l’isolement des premiers câbles électriques) il est victime d’une affection tropicale et meurt en 1898, à son retour dans sa campagne brestoise.
LE PHARMACIEN COLONIAL
Les pharmaciens coloniaux sortent de l’École de santé navale ; quelques pharmaciens diplômés ont aussi été recrutés à l’occasion des guerres. Compte tenu de leurs tâches, leurs effectifs (34 en 1890, 46 en 1906 et 135 en 1954) ont toujours été insuffisants. Au début de la colonisation, le pharmacien du Corps de santé des troupes coloniales est le plus souvent le seul pharmacien et le seul chimiste de la colonie. Résidant dans la capitale, il rayonne sur tout le territoire. Il cumule souvent trois fonctions à l’échelon de la colonie : pharmacien de l’hôpital de la capitale, gestionnaire de la pharmacie qui approvisionne toute la colonie (la pharmappro), inspecteur des pharmacies privées, lorsqu’il en existe. Il exerce cette dernière responsabilité es qualité. A ce titre, comme son confrère métropolitain dans un département, il veille au respect de la législation dans toutes les officines privées de la colonie.
LE PHARMACIEN DE L’HOPITAL
A l’hôpital, le pharmacien assure l’approvisionnement en médicaments, pansements et matériels techniques : prévisions, stockage, préparation des solutés, sirops, pommades, suppositoires, ovules et leur répartition. Il est aussi chef du laboratoire de biochimie et, en l’absence fréquente d’un médecin biologiste, il est également chargé des autres analyses médicales (hématologie, parasitologie, bactériologie, immunologie) demandées par les médecins.
Il a d’autres responsabilités : pour assurer la qualité de l’eau utilisée dans l’établissement, il inspecte et régénère les postes de filtration sur bougies. Il veille à la désinfection des locaux, à la démoustication, à la dératisation. Quand la radiographie est introduite, le fonctionnement des appareils et le développement des films sont de sa compétence. Avant 1930 et l’arrivée des premiers ingénieurs météorologistes, il a la responsabilité de la station météorologique de la colonie.
LE GESTIONNAIRE DE LA PHARMACIE D’APPROVISIONNEMENT
Par sa qualité de pharmacien, il est responsable du ravitaillement sanitaire nécessaire à toutes les actions préventives et curatives. Pharmacien "grossiste répartiteur" de la pharmappro, il établit une commande annuelle en métropole pour les médicaments, les pansements et le matériel médical, chirurgical et dentaire en tenant compte des crédits budgétaires et des longs délais de transport, de l’ordre de plusieurs mois au temps des cargos et des pistes terrestres.
Il doit conserver les stocks en parfait état sous un climat agressif par sa chaleur humide.
Les médicaments difficiles à transporter ou de trop faible durée de conservation sont préparés sur place : sirops, solutions antiseptiques, solutés injectables, cachets, suppositoires, ovules, voire le vaccin antirabique avant l’arrivée du vaccin stabilisé.
Dans son travail, le pharmacien est aidé de façon efficace par des préparateurs indigènes et secondé parfois par un pharmacien auxiliaire autochtone.
Dans ce rôle de gestionnaire des approvisionnements, le pharmacien manipule, avec ses préparateurs et ses secrétaires, davantage de bordereaux, factures et inventaires que de remèdes et d’instruments.
Travaillant au milieu de caisses à réceptionner ou à expédier, il fournit en médicaments et matériels toutes les formations sanitaires de la colonie, une fois par trimestre. Flacons et instruments fragiles sont emballés avec soin pour éviter toute casse lors de l’acheminement sur les pistes, en camion ou à dos de porteur.
Il est difficile d’imaginer les conditions de travail qui prévalent avant 1930. La plus grande partie du matériel est stockée dans des hangars en tôle ; seuls, sont entreposés dans des locaux "en dur" les produits inflammables et les plus sensibles à la chaleur et à l’humidité ; le mobilier de rangement est rudimentaire. L’éclairage est donné par des lampes à pétrole sous pression ou des lampes-tempête ; le chauffage des préparations est obtenu par un réchaud à pétrole ou une lampe à alcool. L’amélioration de ces conditions de travail, moins rapide en Afrique qu’en Indochine, est retardée par la Seconde Guerre mondiale. L’arrivée de l’électricité permet alors de remplacer le réfrigérateur à pétrole par le réfrigérateur électrique ou la chambre froide et facilite la conservation des produits altérables. Le gaz liquéfié simplifie les chauffages.
A quelques mois de l’Exposition coloniale de 1931, Pichat*, pharmacien chef de l’AEF, inspectant, en 1930, la pharmacie du chantier de construction du chemin de fer Congo Océan, écrit :
"La pharmacie était à M’Boulou, à une journée de marche à travers la forêt en gravissant les pentes sablonneuses du Caba suivant une piste qui exigeait de solides qualités sportives… j’arrivai donc à la clairière de M’Boulou, chantier sinistre à l’époque, "bout du rail" venant de l’océan. Là, dans une longue paillote couverte à la mode indigène, sous laquelle régnait une touffeur humide et une sordide moisissure, noyée deux cents jours par an sous la douche tiède des tornades, était installée la pharmacie centrale du Mayoumbé. Plusieurs jeunes pharmaciens-lieutenants s’y sont succédés. Avec un personnel de fortune, le pharmacien déballait ses caisses, faisait des rayons avec de mauvaises planches, préparait des bonbonnes de potions ou de "solutions standard" appropriées aux conditions locales et effectuait, dans un coin de case, les analyses qui lui étaient demandées. Une fois par mois ou par quinzaine, il organisait une colonne de ravitaillement qu’il accompagnait, d’infirmerie en infirmerie, le long du Decauville de service jusqu’à M’Vouti (camp des travailleurs), prenant en même temps commandes et observations des camarades médecins isolés dans la forêt. Nourriture : des conserves ; distractions : un mauvais phono, quelques livres, la "popote", lorsque la lourde ambiance orageuse du climat de la forêt équatoriale ne rendait pas les caractères hargneux et les rapports insociables".
SES ACTIVITÉS DE CHIMISTE
Par sa formation, le pharmacien colonial est qualifié dans tous les domaines de la chimie, biologique, analytique, minérale, alimentaire, hydrologique et toxicologique. Longtemps seul chimiste de la colonie, les administrations civiles et le secteur privé font appel à lui. Dès l’origine, ils créent les laboratoires de chimie dans les instituts Pasteur d’outre-mer.
Leurs conditions de travail sont difficiles. Les premiers laboratoires de chimie hors des instituts Pasteur sont créés par des pharmaciens, en Haute Volta en 1928, au Tchad en 1933. C’est souvent le premier bâtiment possédant des vitres. L’équipement est sommaire (d’abord des cornues !) mais suffisant pour réaliser des analyses alors volumétriques ou pondérales ; il s’améliore beaucoup avec l’arrivée, après 1920, du verre pyrex puis de l’électricité qui permet d’abandonner la centrifugeuse à main et de remplacer le colorimètre par des photomètres puis des spectrophotomètres.
Très isolé, le pharmacien a besoin d’un soutien scientifique et technique. C’est pourquoi, en 1936, un Centre de documentation et d’études est créé, au Pharo, à la demande de Cousin* et Ferré*. A l’origine, destiné aux sciences pharmaceutiques et chimiques, il permet aux pharmaciens coloniaux d’être informés des progrès de leur discipline et, entre deux séjours outre-mer, de compléter leurs travaux sur des produits minéraux et des plantes récoltés outre-mer.
SES ACTIVITÉS EN SANTÉ PUBLIQUE
Pour la bonne santé des populations, il contrôle par analyses les produits alimentaires qui doivent être conformes aux normes, non falsifiés et non toxiques. Il s’agit des produits importés (farines, huiles, conserves, boissons) et de ceux fabriqués localement (pain, pâtisseries, bières, limonades, rhum, nuoc-mâm).
Il établit les premières normes, bases de la législation des produits locaux. Sur sa paillasse, il y a les échantillons les plus hétéroclites.
En raison de l’importance des besoins, les fédérations et les grands territoires (Indochine, Madagascar,…) se dotent d’un laboratoire de répression des fraudes dirigé par un pharmacien.
En matière d’hygiène publique, il détermine la potabilité des eaux des villes et en vérifie la bonne javellisation. Il est conseiller pour la lutte contre les rats et les insectes nuisibles (cafards, fourmis, puces, mouches, termites, moustiques) car les produits utilisés, souvent toxiques, doivent l’être avec précaution.
SES ACTIVITÉS AU SERVICE DE L’ÉCONOMIE
Chaque fois qu’une analyse chimique est nécessaire ou utile, le pharmacien est consulté.
C’est le cas pour les échantillons minéraux qu’il recueille sur le terrain ou qui lui sont envoyés par le service des mines. Les pharmaciens ont mis en évidence des minerais de bauxite en Guinée, de titane et d’étain au Cameroun, de nickel et magnésium en Nouvelle-Calédonie. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Dufour* et Le Floch* signalent des minerais de titane, de niobium, de molybdène et de platine au Cameroun.
Des analyses sont aussi nécessaires pour les ressources animales et végétales. Les services de la pêche, de l’élévage, de l’agriculture demandent des analyses de sols, d’engrais, de denrées alimentaires, de produits destinés à l’exportation tels les gommes, thés, vanilles, tabacs, essences d’ylang-ylang, écorces de quinquina, opium…
Les activités des pharmaciens au service de l’économie sont particulièrement utiles en période de guerre, lorsque les ravitaillements à partir de la métropole font défaut. De nombreux exemples le prouvent et montrent l’ingéniosité du pharmacien colonial :
Production de produits chimiques
– chlorure de chaux pour la javellisation de l’eau à partir de chlore obtenu par électrolyse de sel marin,
– ammoniaque et acide urique à partir d’urines collectées dans les écoles et les casernes,
– étude d’un carburant automobile à base d’alcool de banane et d’huile de ricin.
Production de médicaments
– insuline à partir de pancréas de porcs,
– sulfate de soude par exploitation d’un gisement naturel au Niger,
– quinine par extraction et préparation de sulfate pour comprimés et chlorhydrate pour injections,
– alcool éthylique à partir de jus de banane fermenté,
– pommades à base de beurre de karité, toujours utilisé en cosmétologie.
SES ACTIVITÉS AU SERVICE DE LA JUSTICE
En l’absence de laboratoire spécialisé, le pharmacien est commis par la justice pour les expertises toxicologiques. Dans les affaires présumées criminelles, ses conclusions doivent être prudentes car beaucoup de poisons d’origine végétale sont encore inconnus dans la flore tropicale. Par expérimentation sur l’animal, l’expert peut se prononcer sur la toxicité d’une substance mais pas sur son origine. Ainsi, les produits de la digestion de manioc mal roui, de pousses de bambou… donnent de l’acide cyanhydrique ; ainsi l’arsenic, le bismuth, le mercure entrent dans la composition de médicaments alors utilisés en médecine tropicale.
SES ACTIVITÉS DANS L’ENSEIGNEMENT
Peu nombreux, disposant d’aides peu qualifiés, les pharmaciens consacrent une part importante de leur temps à la formation d’auxiliaires autochtones. Celle-ci peut être individuelle, "sur le tas", dans la pharmacie ou le laboratoire ou bien collective dans le cadre d’organismes d’enseignement : écoles d’infirmiers et de sages-femmes, écoles et facultés de médecine et pharmacie, école d’application du Pharo. Ils participent à l’enseignement dans les écoles créées par le Corps de santé colonial,
– à Pondichery, où la section pharmacie ouvre en 1905,
– à Tananarive, dès la création de l’école en 1897, où sont formés les pharmaciens auxiliaires malgaches,
– à Hanoi, où la section pharmacie, créée en 1914, forme des pharmaciens auxiliaires indochinois, puis, à partir de 1923, des pharmaciens diplômés d’État. Cousin*, professeur au Pharo, y est affecté à plein temps,
– à Dakar, dès la création en 1918, de sorte qu’à la fermeture, en 1953, 87 pharmaciens africains ont été formés. Le relais est pris par la faculté mixte où Pille* et trois autres pharmaciens coloniaux constituent le premier noyau d’enseignants de la section pharmacie.
En dehors de ces enseignements professionnels, sur décision du gouverneur, certains pharmaciens sont désignés pour enseigner la chimie, la physique et les sciences naturelles dans les établissements du secondaire, lors de l’ouverture du collège ou lycée ou à la suite de la défaillance d’un professeur.
SES ACTIVITÉS DANS LE DOMAINE DE LA RECHERCHE
Les connaissances et la curiosité scientifique d’un grand nombre d’entre eux les conduisent à étudier le milieu environnant et à consigner leurs observations. Le temps et le manque d’équipements limitent cette activité, sauf pour certains, affectés dans les organismes de recherche du Corps de santé colonial, dans les instituts Pasteur d’outre-mer, dans des organismes internationaux et les universités. Leur apport scientifique a été particulièrement important dans de nombreuses disciplines mais principalement dans deux grands domaines : la botanique et les plantes médicinales d’une part, l’alimentation et la nutrition d’autre part.
En matière de botanique.
Quelques uns des premiers pharmaciens coloniaux cherchent à acclimater dans les colonies des plantes d’intérêt économique provenant d’autres pays tropicaux où la France devait les acheter (quinquina, gutta…). Dans la tradition des pharmaciens de marine, de nombreux pharmaciens participent à l’inventaire de ces flores tropicales inconnues et à la recherche de plantes médicinales actives. Ils s’intéressent en particulier aux pharmacopées indigènes utilisées par les guérisseurs. A cet effet, une mission d’études en Afrique occidentale est confiée à Laffitte* en 1935. Il explore la Côte d’Ivoire, le Dahomey, le Sénégal et le Soudan. Il meurt, épuisé à Kayes, en 1940, après avoir récolté des centaines de plantes d’usage courant en médecine traditionnelle. Leur identification est contrôlée par le Muséum d’histoire naturelle et leur analyse est réalisée par le centre d’études du Pharo et la faculté de pharmacie de Paris.
En 1946, cette mission est reprise et étendue. La Côte d’Ivoire, le Congo, Madagascar et la Nouvelle-Calédonie sont explorés par Kerharo*, Bouquet* et Debray* sous l’égide de l’office de la recherche scientifique et technique outre-mer. Les résultats ont fait l’objet d’ouvrages réputés.
Le pharmacien colonial Giboin*, du corps enseignant de l’école de médecine de Pondichery, consacre sa thèse de doctorat d’État en pharmacie à la botanique et à la matière médicale de l’Inde (Marseille-1949).
En matière d’alimentation et nutrition
En 1925, pour Lasnet*, directeur du service de santé des colonies, la première cause du "dépeuplement des races indigènes" est la sous-alimentation. Il écrit : "La valeur professionnelle des nos pharmaciens coloniaux leur permet d’aborder avec fruit ces difficiles problèmes d’hygiène alimentaire".
Avant 1945, principalement dans les instituts Pasteur d’outre-mer, les pharmaciens étudient les aliments locaux et leur valeur nutritive. En 1945, la mission anthropologique confiée à L. Pales* pour l’étude des populations ouest africaines comprend une section alimentation-nutrition qui s’individualise et devient en 1953 l’ORANA, implanté à Dakar. La composition des aliments, l’étude de la ration alimentaire sont abordées par les médecins et pharmaciens coloniaux et leurs résultats participent à la prise de conscience nationale et internationale du caractère pluridisciplinaire des problèmes nutritionnels.
Dans le même temps, le laboratoire de biochimie du centre de recherches du Pharo dirigé par Busson* établit de nouvelles tables de composition des aliments, complétées par l’identification des acides aminés constitutifs des protéines.
Dans les années 1960, l’ORANA aborde l’étude chimique de l’aflatoxine, substance cancérigène produite par une moisissure des arachides dont la concentration est élevée dans les tourteaux utilisés en alimentation animale. Compte tenu de la production arachidière de l’Afrique de l’ouest, la question était d’importance.
Plusieurs des pharmaciens coloniaux ayant participé à ces travaux ont, par la suite, occupé des postes importants dans les organismes internationaux, en particulier à la "Food Agricultural Organisation"dont la direction de la division "nutrition et politiques alimentaires", a été assurée successivement par Autret*, et ses élèves Ganzin* et Lunven*.
Autres travaux de recherche
Ils concernent des chapitres variés et toujours importants :
– Les valeurs moyennes des constituants normaux des liquides biologiques, sang, urines, liquide céphalo-rachidien chez l’Indochinois, chez l’Africain, etc...
– L’étude de l’hémoglobine S induisant la drépanocytose, relativement fréquente chez les Africains.
– La mise au point de nouvelles techniques de chimie analytique soit pour le dosage de médicaments toxiques soit pour la répression des fraudes.
– L’amélioration des tests de dépistage de la maladie du sommeil et le suivi de son traitement.
– L’isolement, à partir d’une plante africaine, de la conessine utilisée dans le traitement de l’amibiase.
– L’étude d’associations médicamenteuses dans certains traitements (lèpre par exemple).
– Recherches de nouveaux vaccins contre le choléra, la méningite cérébro-spinale.
– Recherches entomologiques, surtout des vecteurs d’endémies tropicales.
– Etude des espèces de serpents aux Indes puis au Togo par Giboin* en vue de la production de sérum antivenimeux par l’institut Pasteur.
– Plus pittoresque est la mission confiée à Bontemps*, détaché de Madagascar en 1951 et embarqué sur l’aviso hydrographe "La Pérouse", à destination des Terres australes, pour y effectuer et en rapporter des prélèvements… d’éléphant de mer.
Pour en savoir plus :
– Le Floch E. : Le pharmacien colonial. Histoire des médecins et pharmaciens de la Marine et des Colonies. P. Pluchon. Privat Éditeur,1985.
– Acker P. : De l’apothycaire du Roy au pharmacien-chimiste des Armées. ORA Éditeur. Paris 1985.