La neurologie, longtemps incluse dans la médecine générale, s’individualise vers la fin de la période coloniale avec l’apport des moyens d’exploration (les premiers électro-encéphalogrammes) vers 1950 et à la suite des travaux de Gallais*, Collomb*, Miletto* et Guidicelli* école de neurologie du Pharo.
Certaines particularités résultent, sous les tropiques, de l’existence de causes infectieuses, parasitaires, toxiques et nutritionnelles, propres à ces régions.
– Les deux causes infectieuses les plus courantes sont la lèpre avec ses névrites et la poliomyélite. Maladie cosmopolite, cette dernière se révèle surtout par ses séquelles (paralysies des membres inférieurs) tandis que les épidémies peuvent passer inaperçues. Mazaud* en rapporte une, en 1953, à Dakar. Très souvent, on a cru ces infirmes victimes d’une maladroite injection de quinine ayant blessé le nerf sciatique. La découverte des virus responsables et d’un vaccin efficace transforment l’incidence de cette maladie. Pendant une dizaine d’années (1960-1970) les chirurgiens de l’hopital Girard et Robic de Tanarive (P. Navarranne*) ont été chargés par la Sécurité Sociale française du traitement des séquelles tardives de l’épidémie qui avait atteint l’ile de la Réunion une vingtaine d’années plus tôt. Ces séquelles, importantes et fixées, se retrouvaient un peu partout dans le tiers-monde mais les conditions nécessaires à leur traitement, souvent difficile et long, étaient rarement réunies. Des centres d’appareillage, comme à Dakar, déjà créés pour les invalides de guerre, servent également pour plusieurs sortes de handicaps, en particulier les lépreux.
Deux grandes "maladies sociales" interviennent aussi : la tuberculose et la syphilis vénérienne. La tuberculose peut causer des pseudo-tumeurs du cerveau et surtout des lésions de la colonne vertébrale (mal de Pott) avec paralysie des membres inférieurs. Les unes et les autres sont justiciables de la chirurgie (Botreau-Roussel*, Bèzes*, Fustec*). Sans être fréquente, la syphilis nerveuse s’observe chez les autochtones.
Enfin, la plupart des grandes maladies infectieuses (typhoïde, fièvres récurrentes, rickettsioses en particulier, etc...) peuvent atteindre le cerveau ou les méninges : leur traitement et leur pronostic ont beaucoup évolué au cours des cinquante dernières années mais le début de cette période a vu évoluer des méningites sub-aigües provoquant soit des sténoses rachidiennes relevant d’une chirurgie libératrice (laminectomie) soit des arachnoïdites pouvant menacer la vue et ne povant être guéries que par la libération neuro-chirurgicale du chiasma optique (Carayon*, J.F.Blanc*). Antibiotiques et corticothérapie ont heureusement fait disparaitre ces complications.
– Les atteintes cérébrales des parasitoses sont dominées par deux encéphalites, l’une suraiguë, du paludisme pernicieux (Gallais*, Armengaud*), l’autre chronique de la maladie du sommeil (Gallais*, Miletto*, Bert*). Il faut citer les belles études de Bert* sur son évolution électroencéphalo-graphique. Sa notoriété lui vaut, par la suite, d’être recruté par la NASA pour participer à l’étude des conditions de veille dans l’espace. Un grand nombre de parasitoses provoquent des abcès ou des kystes relevant de la chirurgie. Dans le cerveau, ont été rapportés des cas de kystes hydatiques et de cysticercose provoqués par des ténias, et des abcès amibiens (J.F.Blanc*). L’atteinte cérébrale est plus diffuse dans d’autres cas : filarioses (Carayon*, Sankalé*), bilharzioses et, en Extrème-Orient, les distomatoses provoquées par les douves. En Polynésie, Franco* a étudié une "méningite à éosinophiles" due à un parasite du rat.
– Parmi les facteurs toxiques, l’alcoolisme chronique domine tant chez l’Européen que chez l’Autochtone : encéphalopathie avec delirium tremens, polynévrite des membres inférieurs (Rainaut*). Mais, plusieurs médicaments spécifiques de maladies tropicales peuvent affecter les nerfs, surtout l’émétine dans l’amibiase, l’antimoine dans les leishmanioses, la chloroquine dans le paludisme (Charmot*).
– Parmi, les affections d’origine carentielle ou nutritionnelle, le béribéri, très répandue en Indochine présente une polynévrite des plus graves. Elle est étudiée par Advier* dans sa forme chronique. Collomb*, à Dakar, décrit une paralysie des jambes sous le nom de neuropathie carentielle ; enfin, des cas d’hémiplégie peuvent être observés au cours du Kwashiorkor.
Cependant, l’autochtone n’est épargné par aucune des maladies cosmopolites, en dehors de la sclérose en plaques, tenue pour très rare. L’épilepsie, les traumatismes crâniens (bien étudiés à Dakar par Carayon* et Courson* et à Tananarive par Pigagniol* et J.F.Blanc*), les accidents vasculaires cérébraux (Collomb*, Courson* et Philippe*), les tumeurs ont les mêmes tableaux et évolutions qu’en d’autres lieux.
Enfin les hydrocéphalies, méningocèles et autres affections analogues ne pouvaient être traitées qu’en fonction de la disponibilité et de la compétence du chirurgien en place qui disposait rarement des prothèses nécessaires.